Martha Erwin est une femme mûre dont le nom de famille attire l’oreille des plus opportunistes mais qui s’avère autant dans le besoin qu’une famille issue de la classe moyenne. Ce paradoxe est le résultat d’un père n’ayant eu de cesse de rogner ses origines nanties et qui as éduqué sa fille dans le rejet du capitalisme à la mode « Erwinienne ». Quand bien même, Martha n’a pas totalement coupé les ponts avec sa famille paternelle et vit d’enquêtes qui ont pour principal objectif de prendre quelque infidèle sur le fait. Vivant au sein d’une famille recomposée, elle jongle entre des tendances bisexuelles affirmées, une belle-fille acariâtre, une relation maritale établie sur un amour quasi platonique et un cousin accusé du plus ignoble des crimes. C’est au cœur de ce méli-mélo truculent que l’arrivée opportune d’un jeune adolescent répondant au nom de Modifié va venir bouleverser ses croyances.
Les premières pages de ce roman m’ont complètement déconcertée. La quatrième de couverture décrit le récit avec des phrases courtes et percutantes, laissant le lecteur dans l’expectative. Puis, les premiers chapitres m’ont happée telle une bourrasque estivale : j’ai fait la rencontre de Martha, une héroïne caustique, en apparence handicapée des sentiments, profondément ironique et un brin manipulatrice. Cette personnalité détonante, qui m’a au premier abord déroutée, s’est finalement avérée très intéressante à suivre et à analyser. Sa franchise m’est apparue sous un angle plus positif au fil des pages, tentant la plupart du temps d’arrondir les angles et tournant sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler (pour le pire comme pour le meilleur !). Au-delà des affaires familiales qu’elle tente d’élucider voire de réparer, sa rencontre avec Modifié est le véritable cœur coulant du récit. J’ai réellement apprécié ce personnage qui représente à mon sens l’ouverture d’esprit et qui s’avère être la clé des changements de notre héroïne. D’un naturel déconcertant, Modifié est un jeune adolescent qui rappelle aux plus pessimistes qu’on peut appeler « un chat un chat » sans pour autant devenir insultant, l’important résidant dans le respect de la différence. Plus que tout autre chose, il nous rappelle que pour vivre heureux il faut d’abord vivre en accord avec ses envies, mêmes les plus simples.
Au-delà de ces personnages profonds, le récit manquait à mes yeux d’un fil conducteur solide qui aurait arrondi cet aspect un peu décousu. Je pense que l’histoire de meurtre desservait un peu le fond de cette histoire judicieusement qualifiée « d’hilarante et bouleversante ». Davantage de suspens, de drames familiaux, même cocasses (pour continuer dans le contexte du roman) auraient apporté plus de rondeur et de stabilité.
En définitive, Modifié est un roman qui m’aura marquée surtout par la qualité de ses protagonistes. Ces derniers nous passent un message fort, nous sommant avec subtilité de nous délivrer de nos émotions, de rester bienveillants et francs envers les autres et surtout envers nous-même. S’ouvrir au monde de l’Autre et accepter la différence nous permet de (re)découvrir les jolies choses de la vie qui nous entourent.
Atypique, déjanté, loufoque. Les qualificatifs pourraient être nombreux pour ce roman qui se distingue par sa grande originalité. J’ai immédiatement accroché au style humoristique de l’auteur. Les dialogues, les remarques assassines des uns sur les autres – surtout de Martha sur les autres -, sont un pur régal de causticité, voire de cynisme.
Martha Erwin est détective pour l’empire familial depuis que son arrière-grand-père J.C. lui a confié sa première enquête. Elle est mariée à Allan, un « chouette type », mais apprécie peu Allisson la fille de ce dernier, encore moins Paula l’ex petite amie de celle-ci, et déteste les deux bichons d’Allan. Une première scène burlesque lui fait rencontrer un garçon étrange surnommé Modifié, qui s’incruste progressivement dans sa maison, devenant le préposé au déneigement de l’allée, ce qui l’occupe beaucoup puisque l’histoire se déroule au Canada.
Le jeune homme se trouve être élève dans le même lycée que Daniel, neveu de Martha, que la détective doit laver des soupçons qui pèsent sur lui et son amie Cassy, depuis qu’ils ont sorti de la piscine de l’école le corps de l’un des professeurs.
Malheureusement, un bon style, des personnages intéressants, ne suffisent pas pour faire d’un roman un coup de cœur, et ne font pas totalement oublier un certain manque de consistance de l’histoire dans celui-ci. Passé l’emballement du début, le soufflé retombe doucement. L’intrigue policière ne décolle pas vraiment. Elle reste en arrière-plan d’une fine évocation des relations ambiguës, faites de sentiments exacerbés dans le style « je t’aime moi non plus », qui existent entre les membres de cette famille peu commune, et celles qui se développent entre chacun d’eux et Modifié, dans un ronronnement légèrement décevant à la longue. J’avoue avoir l’impression d’être passé à côté de ce qui aurait pu être une vraie révélation de l’année.
Mais, grâce à une belle écriture et un univers surprenant qui sort résolument des sentiers battus, le prometteur auteur canadien Sébastien L. Chauzu m’a néanmoins permis de passer un agréable moment de lecture. Le final, tout en émotion, dans lequel Modifié nous fait partager la poésie de son monde, permet de rester sur une jolie impression.
Livre lu dans le cadre du Cercle Livresque. Merci à lecteurs.com et aux Éditions Grasset.
Martha Erwin est détective privée et appartient surtout à la plus riche famille de cette province du Canada où elle vit avec son mari. Une famille qu’elle se refuse à fréquenter alors que c’est elle qui utilise le plus ses talents professionnels.
Justement, la famille Erwin fait appel à Martha suite à la mort d’un professeur dans le collège où l’héritier de la famille est élève. Alors que Martha mène l’enquête pour innocenter son jeune cousin, elle doit aussi compter avec la fille détestable de son mari et avec un adolescent différent et passionné de chasse-neige qui semble s’être pris d’affection pour elle. La présence de ce jeune garçon surnommé Modifié va chambouler la vie de Martha et ses certitudes.
J’ai lu ce premier roman d’une traite tant l’intrigue est menée sur les chapeaux de roue, enchaînant péripéties et dialogues savoureux.
Plus que l’enquête pour laquelle Martha est mandatée, c’est surtout les relations entre les personnages qui sont au cœur de ce roman. Conflits familiaux, mensonges, manipulations, petites mesquineries... la vie privée de Martha est loin d’être un long fleuve tranquille au sein de cette famille atypique et foutraque. Mais chacune des difficultés qu’elle traverse est l’occasion pour le lecteur de s’amuser face à la cocasserie de certaines situations et à la façon dont Martha les gère.
Évidemment la présence de Modifié ajoute à l’ambiance du récit et à la complexité des rapports entre les protagonistes. Petit à petit Martha va révéler ses failles, lâcher prise devant cet adolescent déconcertant qui fait exploser tous ses préjugés.
C’est drôle, touchant et original. À découvrir !
C'est en rentrant de nuit, en SUV, d'un rendez-vous professionnel que Martha aperçoit au loin sur le côté droit de la route très enneigée, où le chasse-neige n'a fait qu'un passage en sens unique, une forme mal définie avec des grandes oreilles qui semblent pendre de la tête. Elle hésite puis freine et en glissant, la voiture s'arrête à quelques mètres de l'animal. Martha appelle son compagnon Allan qui la rejoint en courant, leur maison n'étant qu'à trois cents mètres de là. Après quelques moments de frayeur partagés, la chose bougeant et mesurant plus de deux mètres, s'avère être un gamin avec un bonnet paré d'oreilles de chien grimpé sur une caisse et recouvert de neige. Allan le fait monter dans la voiture mais ce gosse ne sait que dire : "M'man veut pas que je monte avec des étrangers". Comme le dit Martha, la narratrice, lorsqu'elle se demande si elle doit freiner, "Mon hésitation m'a été fatale".
Le jeune garçon, d'environ 16 ans leur dit qu'à l'école tous l'appellent Modifié. Martha apprend qu'il tenait son nom du programme qu'il suivait au lycée. Un jour, un élève avait entendu un prof dire à son sujet qu'il était "modifié" et c'était devenu son surnom !
Survient un meurtre : un prof est retrouvé mort dans la piscine de son école. Le suspect principal étant Daniel, le cousin de Martha, riche héritier de cette fameuse famille Erwin, Martha aura à charge de débrouiller l'affaire, pas si simple. Elle aimerait aussi se débarrasser des deux chiens d'Allan qu'elle déteste et qu'elle nomme des bnichons, " Allan est venu me rejoindre, ses chiens dans ses bras. Ses chiens me faisaient toujours penser à des seins, deux gros nibards poilus qu'il se serait fait greffer sur la poitrine, des bichons, même le nom invitait à la comparaison : Allan et ses bnichons". Allison, la fille d'Allan n'est pas non plus sa meilleure amie.
Tous ces éléments mis ensemble et s'entremêlant rendent sa vie un peu dingue mais l'arrivée de Modifié va peut-être rebattre les cartes et se révéler une sorte de thérapie.
Ce premier roman situé au Canada où vit et enseigne l'auteur est un livre non conventionnel avec des personnages aux caractères très marqués, tous très émouvants. Mais le plus attachant, le plus improbable, le plus touchant est manifestement Modifié. Ce garçon, un peu en marge de la société, n'est tout simplement pas compris des autres, " Il était débarrassé de notre morale de boutiquier, de tout amour-propre, de son ego". Il adore déneiger les allées avec sa pelle et conduire "les grattes", les chasse-neige. Il est un vrai rayon de soleil dans ce paysage où la neige ne cesse de tomber. Imperturbable quelles que soient les railleries, adepte du Big 8, il nous apporte sa fraîcheur, sa spontanéité et sera rien moins qu'un révélateur pour Martha. Celle-ci, revenue de tout, hostile quasiment à tout et désabusée va petit à petit, sous nos yeux et grâce à l'entêtement de Modifié et à son attachement un peu incompréhensible relever la tête et reprendre insensiblement goût à la vie. Finalement ces deux êtres finissent par se comprendre et par s'aimer sans vraiment de grandes phrases et on assiste avec joie à l'épanouissement de tous.
C'est un roman déjanté et plein d'humour mais surtout extrêmement rafraîchissant, entre rires et pleurs, bouleversant. Sébastien L. Chauzu nous oblige à modifier notre regard et notre jugement sur les êtres qui nous entourent et qui, souvent sous une apparence un peu différente de la nôtre, sont porteurs de grande richesse d'âme.
Ce roman atypique peut parfois surprendre par sa non conventionalité. L'intrigue policière, par exemple est résolue de manière ultra-rapide par Martha, mais il s'agit néanmoins d'un magnifique récit qui méritait amplement d'être retenu parmi les 21 livres sélectionnés pour le Prix Orange du Livre.
Merci donc à Lecteurs.com et aux éditions Grasset pour la découverte de ce roman très original avec lequel j'ai passé d'excellents moments !
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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