Avec la collection "La BD en classe", le Syndicat national de l’édition propose des supports pédagogiques autour de thématiques précises
De nos jours au Japon, à Tokyo, Fuyuko est une jeune trentenaire qui travaille en tant que correctrice free-lance pour une maison d'édition. Elle vit seule et son travail à domicile aidant, elle s'enferme peu à peu dans la solitude. Pas de cette solitude qui lorsqu'elle est voulue peut être salutaire et permettre de se reconnecter avec soi-même mais de cette solitude qui vous isole, vous enferme et vous empêche d'aller à l'encontre du monde. Introvertie, mal dans sa peau, elle se refuse le droit d'aimer et d'être aimée pour des raisons que nous découvrirons au fil de ce roman.
Fuyuko, pauvre petit oiseau de nuit qui ne daigne quitter son nid qu'au crépuscule quand vient la saison de l'hiver, les soirs de son anniversaire. Il y a tant de mots couchés sur le papier des épreuves qu'elle corrige inlassablement chaque jour qui passe et pourtant tous ces mots restent coincés à l'intérieur de son coeur sans pouvoir sortir, jamais.
Comme elle est jolie Fuyuko, mais elle ne le voit pas, elle n'en est pas capable car elle s'efface, tout doucement, lentement, sans que personne n'y prête attention, silhouette floue et évanescente dans les lumières de la nuit, dans les vapeurs de l'alcool de riz, divin élixir, dont elle s'abreuve quotidiennement
pour se donner le courage d'affronter les regards que le monde porte sur elle.
Elle cherche les lumières de la nuit, faisceaux lumineux, contrastes colorés, enveloppants et rassurants qui lui font apparaître la vie plus merveilleuse et la libèrent de ses états d'âme, l'espace d'un moment seulement...
Mais certaines rencontres (comme je le dis toujours) ne sont pas le fruit du hasard. En croisant la route de l'énigmatique monsieur Mitsutsuka et en acceptant l'amitié de la délurée Hijiri, la chrysalide va peu à peu se muer en un joli papillon et découvrir le désir, celui qui vous met dans un état d'embrasement au moindre frôlement, au moindre regard, celui qui met tous vos sens en éveil et vous oblige à vous projeter hors de vous-même.
Rarement un personnage de roman ne m'a autant touchée. Fuyuko c'est toutes les femmes, c'est un peu vous qui me lisez, c'est un peu moi. C'est le regard des autres qui parfois peut être si cruel quand on est différent et que l'on ne rentre pas dans la norme.
Au travers de thèmes évoqués ici avec discrétion tels que : l'émancipation de la femme au Japon, l'exclusion dans le milieu professionnel, l'extrême solitude, l'estime de soi après avoir subi un traumatisme, Mieko Kawakami nous offre un roman d'une grande densité émotionnelle, à la dimension poétique et musicale très présente. Un roman métaphorique, au tempo lent dont j'ai perçu chacune des voix des personnages principaux comme des murmures et dans lequel la lumière fait le lien entre les différentes émotions ressenties par la narratrice. Moments de grâce, fragiles, suspendus avant qu'ils ne disparaissent, nous sont magnifiquement restitués tout au long de ce récit.
Trentenaire célibataire, Natsu vit à Tokyo une existence morne et routinière. C’est avec circonspection qu’elle s’apprête à recevoir chez elle sa sœur Makiko et sa nièce Midoriko. Venues d’Osaka pour passer quelques jours dans la capitale, mère et fille sont en froid. A presque quarante ans, Makiko élève seule sa fille adolescente depuis que son mari l’a quittée. Pour subvenir à leurs besoins, elle est hôtesse dans un bar louche. Son voyage a pour but de visiter des cliniques afin de subir une augmentation mammaire. Cette lubie incongrue a provoqué le mutisme de Midoriko qui ne communique plus que par l’intermédiaire d’un carnet dans lequel elle écrit aussi ses pensées. A charge pour Natsu de s’accommoder de ces deux personnalités qui s’opposent et, pourquoi pas, de les réconcilier.
Trois femmes à trois âges de la vie. Trois femmes confrontées à leur féminité, à leur corps, à leur solitude. Trois femmes à la recherche du bonheur.
Natsu aborde la trentaine et commence à penser à la vieillesse. Elle voit sa sœur, son aînée de dix ans, trop maigre, qui commence à se flétrir alors qu’à l’opposé, sa jeune nièce lui donne la nostalgie de rondeurs enfantines et de peau sans défauts. Makiko, à presque quarante ans, se retrouve obsédée par son corps vieillissant et sec. Elle est persuadée qu’en s’offrant une nouvelle paire de seins elle changera sa vie toute entière. Quant à Midoriko, l’éclat de sa jeunesse ne saurait cacher son mal-être. Son corps change, ses seins poussent, bientôt ses règles apparaîtront. Tout cela la désoriente et la dégoûte. Arbitre, malgré elle, de la crise que traversent la mère et la fille, Natsu ne sait pas comment gérer cette sœur obnubilée par ses futurs gros seins et cette nièce muette. Ce sont des œufs qui décanteront la situation…remettant le rire et les mots au cœur de ce triangle féminin.
En peu de pages et l’air de ne pas y toucher, Mieko Kawakami aborde des sujets profonds qui minent la société japonaise et en particulier la place des femmes. Au Japon, elles se doivent d’être de bonnes mères et de bonnes épouses. Une femme célibataire est cantonnée à des postes subalternes et tant pis si elle est mère célibataire et a plusieurs bouches à nourrir. Une femme se doit aussi de correspondre à certains critères de beauté, ne pas faire de vague, combler son époux. En somme, il n’est pas facile d’être une femme au Japon…comme ailleurs.
Seins et œufs est un roman surprenant, déstabilisant, qui peu paraître terne au premier abord, mais qui véhicule quelques vérités bien senties. Il faut prendre le temps de lire entre les lignes et de creuser sous la surface.
Hegatea et Muji sont en dernière année d’école primaire au Japon et commencent à peine à sortir de l’enfance. Alors que, dans un océan de non-dits, l’une vit avec son père et l’autre avec ses mère et grand-mère, les deux enfants liés par une amitié grandissante vont tenter de trouver eux-mêmes la réponse à leurs questions, notamment sur leurs familles monoparentales.
Mieko Kawakami réussit merveilleusement à se glisser dans la tête de ces deux pré-adolescents, restituant leurs doutes et leurs émotions avec une justesse d’autant plus frappante que l’écriture reproduit à s’y méprendre leurs façons de penser et de s’exprimer. Unis par une touchante amitié, un solide bon sens, et la sincérité simple et directe de jeunes êtres qui n’ont pas encore rejoint le monde adulte des faux-semblants, Hegatea et Muji partagent leurs difficultés à quitter le cocon de l’enfance pour entrer peu à peu dans une réalité qu’ils commencent juste à discerner et à s’approprier.
Pétrie de tendresse et de délicatesse, cette lecture s’avère un attachant moment de fraîcheur, où la candeur le dispute à l’étonnant sérieux de ces deux enfants appliqués à trouver leur chemin parmi les ombres et les mystères des adultes qui les entourent.
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Heaven de Mieko KAWAKAMI
Ses tortionnaires, élèves dans sa classe au lycée, l’appelle “Paris Londres” : “quand tu as un oeil sur Paris, l’autre est à Londres et ça, ça nous donne le mal de mer, alors on va te mettre à l'amende, a déclaré Ninoniya, en me tapant sur la tête avec sa règle.”
Le décor est planté !
Elle, elle s’appelle Kojima. Elle se fait brutaliser aussi pour son hygiène douteuse, mais par une bande de filles de la même classe que le narrateur. Chacun voit et subit la violence, dont est victime l’autre. Un lien se tisse, et ils s’envoient des lettres pour se soutenir.
C’est une histoire effroyable et insoutenable sur le harcèlement scolaire ou les victimes sont soumises aux brimades et à la violence des autres. Cela se passe au Japon, mais pourrait tout aussi bien se passer en France.
C’est un roman d’amitié qui permet aux deux souffre - douleur de s’unir pour surmonter leur solitude.
Certaines scènes sont très violentes et humiliantes.
Écrit à la première personne, ce roman est à la fois saisissant de violence, mais aussi de tendresse et de courage, car il en faut pour retourner tous les jours au lycée en sachant que les autres vont surement faire preuve d’imagination pour inventer de nouvelles brimades ou tortures.
Extraits :
Mes mains, que je serrais l’une dans l’autre et mes genoux tremblaient si fort que j’entendais le bruit qu’ils faisaient. De toutes mes forces, et de toutes les forces de mes paupières, j’ai fermé les yeux, j’ai serré les dents. Dans ma tête tordue, je sentais que mes lèvres étaient retroussées, que mon souffle passait à travers mes dents. Mon coeur battait plus vite que ça n’était jamais arrivé. Une pulsation bizarre sonnait dans mes oreilles, compacte, si j’avais pu me mettre les doigts dans les oreilles, j’aurais pu le toucher, pour la première fois de ma vie j'entendais les bruit du frisson.
Moi aussi, ça m’est arrivé de me faire frapper dans les toilettes, elle me dit d’une voix encore plus petite. Je n’ai pas saigné, mais la douleur était atroce. Ils se débrouillent toujours pour que rien ne se remarque de l’extérieur. Ils sont très forts pour ça. Où ils ont appris ça, d’après toi ? elle m’a demandé.
A la maison, être obligé de parler m’était pénible, même pour dire bonsoir. Dans ma chambre, je ne lisais plus, je ne touchais plus un livre. Je restais tout le temps couché sur mon lit, sans bouger, les rideaux tirés. J’avais de moins en moins faim, comme pour éliminer quelque chose, j’avais en permanence l’impression que quelque choses était coincé dans tête. Quand je me lavais, je ne savais plus par quelle partie commencer, alors je m’arrosais d’eau chaude sans me savonner.
En payant, je pouvais me faire opérer et corriger mes yeux … Je n’avais jamais imaginé cela possible, ni même réfléchi de cette façon. J'avais admis une fois pour toutes que, puisque l’opération avait raté une fois, je garderais ces yeux - là toute ma vie. MAis avoir des yeux normaux … C’était comme un choc, une énorme surprise. Je restais planté là, en proie à une étrange agitation, la main à la bouche. Sans m’en rendre compte j’étais en train de me ronger les ongles. Je ne savais pas quoi penser ensuite.
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