Un roman adressé à un père disparu, aussi intime qu'universel
Quelle joie lorsqu’un peu avant Noël j’ai appris la parution d’une version intégrale de 813, l’un des Lupin les plus fameux, par M. Maurice Leblanc. Les éditions Manucius avaient déjà publié Les Milliards d’Arsène Lupin, le Pardessus d’Arsène Lupin et le Pont qui s’effondre, d’autres raretés de la geste lupinienne, mais là avec une nouvelle version de ce grand roman, l’évènement est de taille.
Au final, après la lecture, aucune déception. L’intrigue du livre est bien la même ! Kesselbach, le Maître du Cap, cherche à mettre la main sur le mystérieux Pierre Leduc. A Paris, il est assailli dans son hôtel, sommer par Lupin de lui remettre une cassette enfermée dans un coffre de banque. Le lendemain, il est retrouvé mort, la carte de Lupin sur lui ! La police s’active, avec à sa tête le chef de la Sûreté, M. Lenormand. Mais un individu insaisissable fait encore d’autres victimes alors même que l’enquête est en cours. Le prince Sernine, lui aussi, se met en mouvement pour tenter de contrer cet obscur adversaire. L’affrontement sera long et riche en péripéties…
Ce que l’on découvre grâce à la parution de cette version « feuilleton », ce sont des pans entiers de l’intrigue qui ont été éliminés de la version « volume ». Pourquoi ? La préface s’interroge mais ne répond pas. J’aurais tendance à dire que les raisons doivent être multiples. D’abord, le début de l’histoire est tout de même fortement impacté. Ici, ce n’est pas Lupin mais un de ces complices qui est à la manœuvre dans la chambre de Kesselbach, et qui se fera prendre par Lenormand, dans un assaut qui n’existe pas dans la version connue jusqu’alors. Et qui permettra l’apparition, pour la première fois, du vrai Pierre Leduc. Le fait d’avoir changé cela dans la version « volume » permet une présence plus forte de Lupin, et resserre l’intrigue. Ce qui me semble avoir été le principal but des coupes effectuées. Cependant, certains épisodes expurgés sont savoureux, notamment le Grand-Steeple à Auteuil, où Altenheim tente de piéger Lupin, ou encore le cambriolage de l’hôtel de M. Schiller par la bande des sept, où les truands maquillent leur vol en une scène de cinéma. D’autres sont plus sombres et plus violents que dans la version « volume » raccourcie, comme l’enlèvement de Dolorès et Geneviève, ou encore le meurtre de Gertrude. Pour ceux-là, il est effectivement incompréhensible de ne pas les retrouver dans la version « volume », tant ils éclairent l’intrigue et s’ajustent parfaitement.
En tous les cas, il est passionnant de constater les choix effectués, et mon impression générale est que Maurice Leblanc a voulu simplifier, pour ne garder que la substantifique moelle de son intrigue. Et pour mettre encore plus Lupin en avant. La présentation du prince Sernine à l’ouvrage est bien plus forte et efficace dans la version « volume ». L’écriture y est plus efficace, plus condensée. Dans le « feuilleton », les scènes sont plus nombreuses mais perdent en force.
Au final, 813 reste un grand roman, celui où l’ambition de Lupin le dévore, et celui où l’on découvre un personnage complexe, grand stratège, toujours primesautier, parfois inquiétant dans son désir qui s’affranchit de ceux des autres. Et découvrir cette première version permet au lupinologue d’avoir l’immense plaisir de découvrir des épisodes inconnus, tout en admirant l’art du romancier qui a tenté en revoyant son roman de le rendre encore meilleur. Bref, un grand cru de Lupin, dont je recommande à tous la lecture, dans ces deux version bien sûr !
En 1902, alors qu'elle n'est qu'une toute jeune fille, Virginie d'Hergemont est enlevée par Alexis Vorski, un comte polonais à la réputation sulfureuse. Ces deux-là s'aiment mais Antoine d'Hergemont, le père de Virginie ayant rejeté toutes les demandes du gentilhomme, celui-ci a inventé ce stratagème pour lui forcer la main. Le mariage a donc lieu mais le père jure de se venger de cette ignominie. Aussi, un an plus tard, quand Virginie met au monde un petit garçon, Antoine l'enlève à son tour. Malheureusement, le yacht sur lequel il fuit sombre en mer et le grand-père et son petit-fils sont déclarés morts. Dévastée, Virginie quitte un mari joueur, violent et volage pour prendre le voile.
Quatorze années plus tard, la jeune femme n'est plus dans les ordres. Elle s'est installée à Besançon où elle mène une vie tranquille, se sachant veuve d'un Vorski mort à la guerre. Pourtant une découverte va venir bouleverser son quotidien. Au hasard d'une séance de cinéma, Virginie voit clairement ses initiales, V.d'H., dessinée sur une cabane quelque part en Bretagne. Aussitôt, elle part pour Le Faouët où ce V.d'H apparaît ça et là, la conduisant vers l'île de Sarek, de sinistre réputation, qu'on appelle l'île aux trente cercueils. Folle de joie, elle apprend que son père et son fils François sont vivants. Mais les retrouvailles qu'elle espère de tout son cœur sont différées par une série d'évènements terribles. L'île est maudite et l'heure de la prophétie a sonné.
De L'île aux trente cercueils, on garde en mémoire la série des années 70 où Claude Jade incarnait à merveille une Virginie d'Hergemont aux prises avec les forces du mal planant sur Sarek. Il y a le même sentiment d'angoisse dans le livre de Maurice Leblanc, du moins dans sa première partie quand Virginie découvre l'île et qu'elle prend connaissance de la prophétie qui annonce trente morts pour trente cercueils et quatre femmes en croix, prophétie qui fait écho à une prédiction faite à son époux qui devait mourir de la main d'un ami tandis que sa femme serait crucifiée.
Île isolée, ambiance mystérieuse, vieilles légendes bretonnes, miracles, trésor caché, morts en série...tout est en place pour faire monter une tension extrême...Et puis plouf ! Alors que dans la série le personnage d'Arsène Lupin n'apparaissait pas, dans le livre il arrive, tel un deus ex machina, pour sauver tout le monde, enfin ceux qui ont réussi à échapper à la mort. Et là, l'aventure prend un tour grotesque. Vieux druide barbu ou noble italien, Lupin est un fat grandiloquent censé apporter une touche d'humour en se jouant du méchant mais il ne fait qu'enlever au charme d'une histoire qui jusque là flirtait avec le fantastique et le mythe, pour en faire une farce burlesque.
Une curiosité, à lire par nostalgie.
Face à face entre deux personnages, l'un gentleman cambrioleur, l'autre détective privé qui s'affrontent tout au long du livre sans que le lecteur n'arrive à voir qui va prendre l'ascendant sur l'autre. Pour ceux qui aiment l'univers de Maurice Leblanc, ce livre est un incontournable.
un assassin pas comme les autres découvert grâce à notre vénerable Arsène mais aussi à EDGAR POE !
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