"Une partie de chasse très spéciale entre adultes libres, consentants et exceptionnels..."
"Une partie de chasse très spéciale entre adultes libres, consentants et exceptionnels..."
Ce qui est fou avec les livres c’est qu’ils ont le pouvoir de nous bousculer, de nous scotcher, de parfois nous mettre une p****n de grosse claque. Et celle là, je ne l’ai pas vu venir.
Ce livre il m’est arrivé grâce à la magie des @68premieresfois, pourvoyeuses de pépites. J’ai regardé rapidement la quatrième, sans y prêter grande attention, et pour faire une pause dans la rentrée littéraire je me suis lancée. Des les premières lignes, des les premières pages, j’ai senti qu’il se passait quelque chose. Une rencontre intrigante, des personnages un brin mystérieux, et un contrat glaçant de il ne m’en fallait pas plus pour me ferrer et rendre cette lecture haletante et addictive. Et puis l’écriture, sèche, brute. Des phrases courtes, percutantes qui font avaler les chapitres au rythme des pensées des principaux protagonistes que l’on suit pendant 6 mois dans un compte à rebours étouffant.
Alors qui sont ils ces tourmentés? C’est Skender, un quinquagénaire à la dérive. Ancien militaire, ancien légionnaire, il a dégringolé au retour à la vie civile, incapable d’assumer ses rôles d’époux et de père jusqu’à se retrouver à la rue, clochard résigné sans espoir. C’est Max, son ancien frère d’armes, celui qui plusieurs fois lui a sauvé la mise, et qui désormais est dévoué corps et âmes à une mystérieuse patronne, Madame. C’est elle enfin, riche veuve passionnée de chasse, d’un cynisme à toute épreuve et d’une cruauté absolue.
Je n’en dirai pas plus.
Mais je vous dirai que ce roman est d’une finesse psychologique redoutable qui explore une multitude de thèmes. La rédemption, le sacrifice, l’argent, l’amour et la famille, autant de sujets disséqués dans ce roman choral haletant.
Une grosse grosse claque, pour un premier roman. Lucas Belvaux était jusqu’à lors cinéaste et acteur, ancré dans l’image. Il signe avec ce titre une entrée fracassante dans le monde des mots par sa virtuosité à décrire les sentiments.
Deux hommes, une femme, brisés par la vie. Ce sont les tourmentés du titre, de vrais tourmentés.
Skender, vétéran de la guerre de Yougoslavie, puis mercenaire un peu partout sur la planète, clochardisé à son retour à la vie civile, détruit par ce qu'il a vécu et qui l'éloigne de sa femme et ses deux enfants : « Je suis sans contours. Sans peau ni rien entre le monde et moi qui me protège. Rien qui me tient. » Un homme mort qui ne sait plus s'il est capable d'accepter que l'amour est une force, jamais une faiblesse.
Max, son mentor frère d'armes, lui a retrouvé un sens à sa vie comme majordome auprès de Madame : « J'avais commencé à vider ma tête de ses cimetières, ouvrant tombe après tombe pour exhumer les souvenirs enfouis, cachés comme des cadavres honteux. Je m'en libérais peu à peu. Ma mémoire se remplissait d'absences. » Il doit sa métamorphose à Madame, et est prêt à accepter pour elle la malédiction qui pourrait.
Madame, veuve fortunée et oisive, férue de chasse et de molosses, isolée du monde dans sa riche demeure : « Mes haines passées ne sont pas mortes. Je les sens en moi chaque matin au creux de mes tripes. Elles grouillent. Vivaces. Vitales. Ma haine m'appartient. Elle n'appartient qu'à moi. Je suis seule à y avoir accès. Je lui tiens chaud, je la nourris, elle me le rend bien. Elle n'est pas de celles qui rongent ou qui consument, au contraire, elle me trempe comme l'eau froide durcit le métal chaud. Elle me tient debout. En vie. Libérée de l'amour. Pourquoi la nier, la renier, en avoir honte.»
Trois personnages reliés par un contrat cynique, amoral, monstrueux, passé à l'initiative de Madame prête à tout pour le réaliser, y compris à rejoindre « ceux qui jamais plus ne pourront oublier, condamnés à entendre les pleurs des mères suppliciées et des enfants fantômes, à les voir tourner autour d'eux (…) Elle aura beau se laver, se frotter, s'arracher la peau et les cheveux pour en ôter ce qui y colle, rien n'y fera. Son crime la rongera comme l'acide, la brûlera comme le napalm. Jusqu'aux os, à la moelle. »
A partir de ce terrifiant point de départ, Lucas Belvaux raconte les six mois qui précèdent l'exécution du contrat. Dans des chapitres brefs, il alterne les points de vue du trio, enrichis de quelques chapitres consacrés à l'ex-compagne de Skender et d'un de leur fils, autant de flux de pensée, même contradictoires, qui laissent beaucoup de place à l'imaginaire et à la projection.
L'intensité psychologique est telle qu'elle met le lecteur sous tension permanente. Aucune tranquillité d'esprit pour lui, tout aussi tourmenté que le personnages par les enjeux qui se jouent sous ses yeux, sous leurs yeux, poussé à réfléchir sur les zones d'ombre et la vulnérabilité de la condition humaine, sur les ressorts profonds du sens à donner à une vie. Chaque membre du trio semble avoir besoin d'un affrontement pour s'éprouver et affronter le legs traumatique de leur passé respectif.
Avec une maitrise impressionnante, Lucas Belvaux fait se télescoper les émotions des personnages jusqu'à la moelle de leur être. Et la collision est d'autant plus forte que leur évolution psychologique semble reconfigurer chapitre après chapitre l'intrigue, comme si l'auteur les laissait conduire la trame narrative. Même son écriture évolue pour accompagner les transformations intérieures des personnages. Au départ courtes et nerveuses, les phrases s'allongent, se déploient plus largement, lyriques mais jamais trop. Jusqu'à une fin - inattendue pour un roman si sombre - qui cueille le lecteur et le surprend.
Un premier roman puissant et inspiré.
Ce premier roman met en scène trois personnages. Skender ancien légionnaire qui n’a pas réussi à se réinsérer dans la vie civile, il a quitté femme et enfants pour la rue. Max son mentor dans la légion et qui lui a tout appris, il est devenu l’homme à tout faire d’une riche veuve. Madame, cette veuve très fortunée qui a tout chassé sauf L’Homme. Le décor est posé et on va voir évoluer les personnages au cours des six mois qui vont suivre. Ce livre se lit d’une traite, les personnages se confient tour à tour au fil des chapitres. Mon premier gros coup de coeur des 68.
Le retour au monde des vivants n'est jamais chose simple pour d'anciens militaires qui ont connu de violentes et mortelles zone de guerre.
C'est ce qui arrive à Skender. Cet ancien militaire efficace et dur dans la lutte sans merci pour sa vie est aujourd'hui un homme paumé, assailli de souvenirs qui le rongent et l'empêchent de vivre sereinement auprès de Morgan et de ses enfants.
C'est un quasi SDF que Max, l'ami de toujours, le boss, le compagnon de combats, le sauveur, retrouve et accompagne chez Madame, sa patronne.
Car Max aussi est revenu du front, mais lui a réussi à s'en sortir auprès de Madame, riche veuve d'un grand chasseur, devenue elle même excellente chasseresse.
Et Madame propose à Skender un marché impossible à refuser pour un homme aux abois qui est prêt à tout pour l'amour et le bien de ses fils, Jordi et Dylan.
Étrange premier roman, un début qui m'a fait penser que j'allais retrouver l'ambiance du roman d'Anthony Buissonais (un samedi soir entre amis). Mais non, ce roman choral dans lequel tour à tour Skender, Max, Madame, Morgan et Jordi prennent la parole est bien plus qu'un simple ou machiavélique thriller.
Chacun évolue au fil de ses pensées, de ses actions et sentiments, de ses rencontres et émotions. Chacun envisage les événements sous un angle qui lui est propre. Cela permet au lecteur attentif que nous sommes de voir se transformer les personnages et les relations qui les tiennent entre eux au fil des mois.
Plus roman psychologique que thriller, les sentiments de chacun sont à la fois explicités et terriblement exacerbés par cette lutte de chaque jour pour mener une vie "normale". Leurs angoisses, leurs faiblesses, leurs attentes et leurs espoirs se révèlent et nous les font découvrir peu à peu, les rendant plus humains. Loyauté, soumission, domination, amour, amitié, fidélité, fierté, espoir, déception, attente, ils passent par tous les stades et toutes les attentes pour un final à la hauteur des espoirs du lecteur.
https://domiclire.wordpress.com/2023/05/26/les-tourmentes-lucas-belvaux/
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