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Depuis plusieurs années je souhaitais trouver et lire Fou de Vincent d'Hervé Guibert aux éditions de Minuit publié en 1989. Je ressors complètement remué, bouleversé, tourmenté, de cette autofiction sur la relation passionnelle entre l'auteur et Vincent. Dans une écriture érotique aux frontières de l'obscénité, Hervé Guibert interroge les notions d'attirance, de désir, de pulsion et d'obsession.
Le récit débute à la fin du mois de novembre 1989 avec la mort accidentelle de Vincent. Par suite, Guibert remonte le temps jusqu'au jour de leur rencontre en 1982. le texte est fragmenté. L'histoire est inversée. L'auteur remonte le fil de cette relation ardente, exaltante, obsessionnelle. Une relation dans laquelle les corps des deux hommes s'échappent l'un à l'autre dans l'intensité des souffrances…
Un ensemble de textes très très bien écrits. La palme revient au "court roman" La chair fraîche, aux descriptions si justes et au style acerbe, proche de Zola, ou peut-être plutôt Marcel Aymé.
Guibert raconte ses souvenirs d'enfance (ou présentés comme tels). Il évoque par exemple les bons points et images distribués à l'école, « cette monnaie miraculeuse de la sagesse qui fait de l'écolier un petit actionnaire de ses hypocrisies ». Certains passages peuvent être étudiés en cours de français pour illustrer le style direct, indirect libre, etc… Exemple : quand le père est de mauvaise humeur, Guibert écrit « peut-on lui parler au moins à travers la porte ? Nous ferions mieux d'aller jouer dans le jardin. » Qui écrit comme cela aujourd'hui, mis à part les auteurs publiés aux éditions de minuit ?
Les personnages célèbres sont désignés par une simple lettre. Ne pas confondre le M de Mitterrand avec le M de Michel Foucault !
Bien sûr certains passages font qu'on ne peut pas conseiller ce livre aux personnes que l'on connaît, encore moins aux membres de sa famille. Ils nous regarderaient bizarrement.
Est-ce « autobiographique » ? Certains passages seraient cependant à vérifier quant à leur véracité. Peut-on ainsi vraiment, lorsqu'on se blesse au doigt, ramasser la bouillie de chair qui est par terre et reconstituer son index ? pas sûr. Un homme peut-il vraiment lui-même se couper les amygdales aux ciseaux ? pas sûr. Une énorme tumeur possède-t-elle des dents ? à vérifier…
le narrateur/auteur déroule la forme de haine qu'il ressent envers ses parents (surtout la mère). Cela dit, ceux-ci ne faisaient ils pas sentir à leur fils, qui ne perpétuait pas la lignée, que les fonds qu'ils avaient déboursés pour l'élever l'avaient été en pure perte ? C'est assez crédible pour des parents présentés comme si radins et si maladroits.
Une auto fiction âpre, un livre coup de poing, parfois difficile à lire, livre que l'auteur considère comme son dernier ami à qui il peut tout dire sur la maladie qui le ronge et que l'on connait mal à cette époque, le sida. Et effectivement, Hervé Guibert ne cache rien de son quotidien. Ses visites chez les médecins, le comportement du personnel médical, l'évolution des rapports avec ses amis, ses proches, les effets secondaires des traitements...
Petit extrait:
" Et c'est vrai que je découvrais quelque chose de suave et d'ébloui dans son atrocité, c'était certes une maladie inexorable, mais elle n'était pas foudroyante, c'était une maladie à paliers, un très long escalier qui menait assurément à la mort mais dont chaque marche représentait un apprentissage sans pareil, c'était une maladie qui donnait le temps de mourir, et qui donnait à la mort le temps de vivre, le temps de découvrir le temps et de découvrir enfin la vie, c'était en quelque sorte une géniale invention moderne que nous avaient transmis ces singes verts d'Afrique."
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