En partenariat avec les éditions JC Lattès, gagnez l'un des 10 exemplaires
Nathalie Iris, de la librairie Mots en Marge organise chaque année en juin "La Nuit Blanche des Livres" à La Garenne Colombes. Dans ce lieu d'échange, les auteurs viennent à la rencontre de leurs lecteurs pour une grande fête du livre joyeuse et...
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Une librairie éphémère, plus de 40 auteurs, une nuit inoubliable ! La Nuit blanche des Livres.
Ecrivain serait-il une profession maudite ? Le même jour en cette dernière rentrée littéraire paraissaient deux ouvrages sur cette question, comme les deux faces d’une même médaille. Tandis que, dans Les petits farceurs, Louis-Henri de La Rochefoucault satirise fort ironiquement le monde de l’édition et les ficelles mercantiles dont les auteurs et leurs livres font les frais, Franck Courtès relate quant à lui son expérience d’écrivain crève-la-faim, contraint aux petits boulots ubérisés.
Photographe reconnu et prisé par les plus grands journaux et magazines, l’auteur dégoûté par les travers croissants de cette profession sinistrée décide en 2013, après le « petit succès » d’un premier livre, de désormais se consacrer à l’écriture. Commence pour lui un éprouvant et désespérant parcours du combattant. « Le métier d’écrivain consiste à entretenir un feu qui ne demande qu’à s’éteindre. Un feu dans la neige. » « Achever un texte ne veut pas dire être publié, être publié ne veut pas dire être lu, être lu ne veut pas dire être aimé, être aimé ne veut pas dire avoir du succès, avoir du succès n’augure aucune fortune. » Avec deux cent cinquante euros de droits d’auteur mensuels, même logé dans un studio par sa mère, on a beau être passé à La Grande Librairie et avoir été goncourisable, tout cela ne nourrit pas son homme. Cinquantenaire sans qualifications rejeté par le monde classique du travail, il se tourne vers « celui plus méconnu et sulfureux des applications de plateformes de travail. Elles sont à Uber, la plus connue, ce que les accordéonistes dans le métro sont aux concertistes d’opéra. » Le matin, il écrira et, le reste du temps, prendra tous les petits boulots qu’il trouvera.
« Le travail ne manque pas pour ceux qui ne savent rien faire. » Mais quel travail… : « environ quinze euros pour une matinée, parfois vingt avec le pourboire, parfois moins quand plusieurs manœuvres désirent la même mission et que le client fait baisser le tarif ». Et encore, seulement deux ou trois fois par semaine, tant la concurrence, par enchères inversées, s’avère acharnée. Ici, le droit du travail n’a plus cours, la seule loi est celle des algorithmes qui comptent avec indifférence vos étoiles d’appréciation, peu importe si vous laissez la moitié de votre peau dans des tâches souvent physiques, voire dangereuses, payées une misère sans la moindre protection sociale. Les malheureux aux abois ne manquent pas, à commencer par les Africains sans papiers, prêts à accepter des courses à trois euros, « par tous les temps, sur des vélos mal entretenus ou des Vélib’ trafiqués. Leurs genoux ne tiennent pas deux ans le rythme. Qu’importe, le flux migratoire fournit de frais mollets. On aura à n’importe quelle heure son plateau de sushis ou sa pizza, quoi qu’il en coûte en ménisques africains. » Interchangeables, cloisonnés et rendus invisibles par la déshumanisation numérique, ces journaliers d’un nouveau genre viennent gonfler les rangs d’une pauvreté d’un nouveau type, celle, silencieuse, d’individus hétéroclites qui ne forment aucune classe sociale et n’ont aucune chance, ni de se rebeller, ni de se défendre. « Le système carcéral des usines d’antan s’est vu remplacé par le bracelet électronique des applications. Les murs ont disparu, pas le joug. »
S’il avait lu La Rochefoucault auparavant, se serait-il jeté dans l’arène littéraire avec la même candide confiance en les pouvoirs sonnants et trébuchants de son réel talent ? Alors que sans se plaindre il en paye le prix fort, Franck Courtès signe de son élégance digne et posée, non pas seulement la terrible chronique de son propre dévissage social, mais aussi, avec un sens de la formule qui en démultiplie l’impact, une radiographie brûlante des nouveaux confins de la pauvreté en Occident, là où l’ubérisation et les plateformes numériques de travail recyclent pour leur profit, au mépris de toute loi sociale, les « rebuts » du marché du travail.
Abandonner un métier lucratif pour se consacrer à l'écriture ou à toute autre passion dont la rentabilité n'est pas immédiate ni même garantie est un acte courageux, un peu fou aussi lorsqu'on y perd de vue ses enfants, ses amis, sa santé.
Quoiqu'il en soit, c'est le choix de l'auteur / narrateur et c'est ce qu'il nous raconte dans ce roman qui tient plus du journal ou de la série de sketchs que du récit structuré.
Il est peu question d'écriture, le parti-pris étant de montrer tout ce que ces quelques heures quotidiennes d'écriture supposent de sacrifice, d'abnégation et d'humilité pour survivre, même chichement, c'est à dire se loger, se nourrir et se soigner. Chaque chapitre est la démonstration que c'est difficile mais possible en oubliant toute idée de loisirs, de superflu et de bien-être physique. L'uberisation des "petits boulots" est a priori une opportunité pour les sans-grades, sans diplôme, sans papiers, sans rien qui peuvent "vendre leur corps" mais surtout pour ceux qui en usent en esclavagistes modernes désinhibés par le digital.
Le fil conducteur du récit, c'est la lente dégradation du corps à peine compensé par un savoir-faire croissant. La liberté d'activité à un prix et l'idéal de l'Ikigaï n'est pas accessible à tout le monde.
L'écriture est inégale mais le propos est frappant et la vision de la société malheureusement assez juste.
Histoire largement autobiographique, le narrateur est un ancien photographe reconnu qui décide de tout quitter pour écrire. Son premier métier lui assurait de confortables revenus, le nouveau l'oblige à gagner sa vie au coup par coup. Les petits jobs s'enchainent mais ne suffisent pas au minimum vital et il s'inscrit sur une plateforme en ligne où les gens bradent leurs prestations pour remporter les courses et autres services. Un livre bien écrit, plein autodérision et de recul sur la vie, un bon moment de lecture!
Pourquoi avoir délaissé son métier de photographe international réputé ? Est-ce pour une nouvelle liberté ?
Le narrateur-auteur raconte son parcours : il a arrêté d'être photographe pour se consacrer au métier d’écrivain, perdant ses revenus, son statut social, son lien avec ses enfants. Pour subsister à ses besoins, il va louer ses services sur une platerforme de main d’oeuvre et il va travailler en en tant que manœuvre, homme à tout faire.
Son déclassement social est choisi et le plonge dans la précarité.
A travers ce récit, il met en avant les métiers invisibles, un monde souterrain de travailleurs exploités. Il est dans l'action, vend ses services au meilleur prix, n'hésitant pas à aller au bout de ses forces, cassant son corps pour être rentable.(déménageur, chauffeur, bricoleur, casseur, laveur de vitres,...)
Cette mise en lumière sur ces différents métiers est vraiment intéressante, des ouvriers précaires, sans classe ouvrière, des individus qui donnent de leur personne sans compter, des anonymes sans structure sociale.
De là, peut-être découle une certaine liberté, même si son corps souffre de l'effort et il le paye un peu.
Ce que j'ai moins aimé ce sont les mots et les grands phrases du texte sur les considérations de l'écrivain qui sont un peu ampoulés.
Pourtant le contraste n'est pas si marquant entre le travail de manoeuvre et celui d'écrivain, à part pour les ampoules (sic, je joue avec le mot pour relever qu' il y a quelques moments d'autodérision qui nous arrachent quelques rires jaunes), l'isolement est présent dans les 2 cas.
Un roman différent qui met en lumière le monde des pauvres, de la précarité, et interpelle : éprouvant aussi !
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