Une plume vive, des héros imparfaits et une jolie critique de notre société
(Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024)
Pour son premier album, Dominique Monféry, plus connu pour sa carrière dans l'animation, réalise un album très maîtrisé. Son dessin et ses mises en pages sont impeccables, avec notamment de superbes planches mettant en valeur la montagne qui est au centre de ce récit. La mise en couleur est également très réussie, mais le choix d'une dominante sépia donne un aspect un peu "vieillot" à l'ensemble… et si l'histoire contée par Henri Troyat fonctionne encore très bien, elle a malgré tout un côté un peu daté, renforcé par ces ambiances. Sans avoir de réel reproche à faire à l'album que ce soit sur le fond ou sur la forme, j'avoue ne pas avoir été totalement emballé, tout ça restant un peu trop classique à mon goût.
Qui est Julie d'Aubigny ? Où plutôt faut-il l'appeler Mme Maupin puisqu'elle se marie en janvier 1688. Un mariage non souhaité avec un mari non choisi. Elle qui est la fille du secrétaire des écuries royales a pu suivre l'école des pages à Versailles. Danse, chant, langues, équitation, voltige et surtout, l'escrime.
Ce qui, avec un caractère bien trempé, fait d'elle une jeune femme à part. Jean-Laurent Del Socorro a raconté sa trajectoire dans un roman paru en 2022. Dominique Monféry le met en images et brosse le portrait d'une femme qui a choisi son destin. Elle envoie son mari à Limoges puis vit sa vie, entre amants et maîtresses, défis à l'épée et opéras. une vie agitée qui lui vaudra d'être traquée par la police.
Ce récit passionnant a la langue belle et le dessin à l'avenant. Dans un dialogue avec Méphisto qui tente de prendre son âme, Julie prend magnifiquement forme dans des tons pastels. Elle virevolte, danse autant sur scène qu'en amour ou l'épée à la main. Les décors sont beaux, les personnages ont du charisme, c'est un régal pour les yeux.
Après "La neige en deuil", Dominique Monféry confirme son talent pour réussir des adaptations BD. Cette Julie d'Aubigny, que je ne connaissais pas, est un personnage historique à découvrir absolument !
J'aime bien les histoires qui se passent en montagne, il y a toujours un côté oppressant. Ici la relation entre les deux frères est assez fascinante, et sans spoiler, la fin est saisissante. Je ne suis personnellement pas fan du style graphique, mais je dois admettre que certains paysages sont impressionnants.
« titre en lice pour le Prix Orange de la BD 2024 »
Je n'ai pas eu l'occasion de lire le roman éponyme d'Henri Troyat. Aussi, j'ai découvert son adaptation en bande dessinée. C'est L'histoire de deux frères dont le lien s'apparente à celui qui unit un père à son fils. Un fossé générationnel en apparence. Isaie porte sur le bois de ses épaules le poids du deuil, la charge de son frère, sous le regard inquisiteur de la montagne. Lorsqu'un avion vient s'écraser, toute une mécanique se met en branle et oppose aux deux frères un défi, aux motivations antagonistes. Une réconciliation avec l'abime qui l'a tant fait souffrir pour l'un et pour l'autre une leçon fatale. Les désirs d'évasion se confrontent durement.
Ce récit est plus que prenant, et m'a particulièrement touché. ll y a une dimension personnelle avec Isaie, en osmose avec son milieu et ses démons, qui tranche avec Marcellin, individu terne, égotiste mais marqué par un désir de changement. Les deux frères se cherchent mais un seul parvient à se trouver réellement au travers des épreuves et de l'altruisme. Le dessin est sublime et restitue son éclat glacé à la montagne : sa beauté mortelle, cette relation si particulière qu'elle entretient avec les passionnés et ce respect mutuel.
"La neige en deuil" est une quête initiatique, magnifiquement mise en scène par Dominique Monfery.
Le parallèle est un peu audacieux et éloigné, mais ce récit me fait un peu penser à une forme de réécriture moderne de l'histoire de Abel et Caïn, à ceci près que le plus jeune des frères est celui qui agit par inconséquence, et refoule une jalousie contre son frère aîné, qui s'est sacrifié. Le juge de paix est la montagne car elle punit la cupidité. La nature a le dernier mot comme un retour aux sources.
« Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Je remercie Lecteurs.com ainsi que les Editions Rue de Sèvres pour cet envoi. »
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