"La noirceur des âmes était aussi intense que les couleurs de la nature étaient belles..."
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Hormis le lieu où ils vivent, le comté de Jackson en Caroline du Sud, quel lien peut-il y avoir entre deux hommes si différents ?
Calvin Hooper est un artisan du bâtiment touche-à-tout et doué de ses deux mains qui mène une vie tranquille avec sa femme Angie.
A l’opposé, Dwayne Brewer est un délinquant, issu d’une longue lignée de brutes, qui vole, trafique et braconne et n’a que son frère Sissy pour toute attache affective.
Mais lorsque que Sissy est tué accidentellement par le meilleur ami de Calvin, le destin de ces deux hommes va définitivement se lier et les entraîner dans une spirale de violence.
Tout en étant plongé au cœur d’une nature vivante et sauvage, le sujet n’est pas la vie rude de ces habitants des Appalaches. Ce sont leurs états d’âme qui sont au centre de cette histoire dont le thème de l'accident de chasse est assez récurent dans la littérature américaine.
Et l’auteur va loin dans le regard qu’il porte sur ses deux personnages, racontant ce que leur passé a fait d’eux, leurs réflexions sur la vie, leur façon d’affronter les obstacles et la force qu’ils trouvent dans l’amour des leurs.
Avec Dwayne l’invincible et Calvin le courageux, c’est le mythe de David contre Goliath qui se rejoue sous nos yeux, transposé dans le décor rude et grandiose des forêts appalachiennes.
Un roman saisissant dans lequel la tension est palpable à chaque page et qui nous fait trembler jusqu’à un dénouement dont on redoute la fatalité.
Mais à la différence de son aîné David Vann, la voie de la violence qu’emprunte David Joy ne s’enfonce pas dans un gouffre et laisse entrevoir une lueur aux confins des ténèbres. Chacun interprétera la fin selon sa sensibilité mais sachez qu’en commençant ce roman d’une superbe noirceur, vous n’allez plus pouvoir le lâcher avant la dernière ligne.
Ce quatrième roman de David Joy se révèle aussi noir que les cendres des incendies et que l'avenir de cette Amérique profonde !Une ambiance suffocante .
Ray Mathis, retraité et veuf, vit à l'écart dans sa ferme reculée de Caroline du Nord, passionné par la nature et les coyotes . Son seul fils, drogué part à la dérive et vient lui demander de l'argent pour rembourser son dealer . Malgré son aide , l'inévitable arrive et Ray doit choisir : laisser faire ou faire justice lui-même ? Il va se retrouver au milieu d'un réseau de drogue infiltré par la police.
Sous couvert d'un roman noir , l'auteur nous propose un roman social sur un territoire oublié et méprisé de l'Amérique profonde que sont les Appalaches ou vit David Joyce. Celui-ci avait déjà publié un article à charge dans la revue América en 2020 ou il dénonce le scandale sanitaire sur les opiacés généré par les grands groupes pharmaceutiques ( texte publié en fin de roman).
Le roman permet d'humaniser tous les chiffres publiés sur les ravages de la drogue dans ces campagnes misérables. On s'attache à tous ces personnages pris dans cette déchéance sociale.
On constate la fin des ressources naturelles pillées depuis des années comme le bois et le charbon et le départ des entreprises .Ne subsiste alors que du tourisme pour citadins en mal de nature ! S'ensuit le manque de travail, la pauvreté de ceux qui restent, vivant dans des mobile homes décatis . Le seul refuge pour ces jeunes reste la drogue, particulièrement les opiacés dont le trafic a rebondi depuis des années. L'auteur utilise alors une écriture réaliste et incisive qui nous interpelle.
Surgit aussi le problème environnemental avec des incendies incontrôlables , suite au manque d’entretien des forêts .
Ce n'est pas l'intrigue assez classique qui m'a intéressée mais plutôt la fresque sociale et les deux personnages principaux Ray et Denny, particulièrement dans la dernière partie du roman ou se dégage une forte intensité dans les actions et sentiments de ces personnages abandonnés.
Malgré un nombre important de protagonistes , l'auteur nous les rend authentiques et entiers .
Seule la puissance de la nature , si bien décrite par l'auteur, sauve Ray du désespoir et laisse percer une lueur d'espoir et de transmission .
David Joy nous permet de découvrir cette Amérique oubliée par les médias.
Dans ce coin des Appalaches - déjà ravagé par le chômage et l’exode - que les incendies de forêt menacent désormais de faire partir en fumée, Raymond Mathis, garde forestier retraité, s’accroche à sa ferme, où il vit seul depuis qu’un cancer a emporté sa femme et que son fils s’enfonce toujours un peu plus dans la drogue. Un jour qu’il se voit forcé par les dealers de régler les lourdes créances de son fils en échange de sa vie, il décide de prendre les choses en mains en lieu et place de la police.
L’Amérique de David Joy est celle des oubliés et des défavorisés, ceux qui, rivés à une région économiquement moribonde, ne connaissent que la dureté d’une vie sans espoir, le combat quotidien pour, au mieux, une poignée de dollars qui n’assurera qu’à peine les besoins fondamentaux d’une vie dépourvue d’horizon. Cette Amérique est devenue le terreau des addictions en tout genre, alcool, médicaments et drogues, seules fenêtres ouvertes sur quelques instants d’oubli et de respiration. Des opioïdes bon marché prescrits sur ordonnance aux méthamphétamines et à l’héroïne, ces habitants sont de plus en plus nombreux à se muer en ombres squelettiques que l’on retrouve un jour sans vie au coin d’une rue, la seringue encore au bras, venant grossir les statistiques accablantes que le comté affiche sur des panneaux au bord des routes.
Le fils de Ray est l’un d’entre eux, embarqué sur un toboggan vers l’enfer, au fur et à mesure que l’oubli temporaire exige toujours plus de doses, toujours plus d’argent, et que, pour entretenir la combustion intérieure qui le détruit progressivement, il se retrouve réduit aux pires extrémités. Impuissant, Ray assiste à la lente et irrépressible déchéance de son fils, qui, avant de le mener inévitablement vers la mort, le place à la merci de la violence de trafiquants tellement sûrs de leurs collusions au sein de la police et des autorités que rien ne semble pouvoir les arrêter. Faisant frissonner le lecteur d’effroi et de dégoût, la narration laisse monter le désespoir jusqu’au paroxysme qui déclenche la révolte de Ray, subitement las de trop subir.
Classiquement nouée autour d’un trafic, de victimes et d’une vengeance, l’intrigue s’enroule de manière violente et accablante autour de personnages qui crèvent les pages. C’est qu’ils sont partiellement nourris par le propre vécu de l’auteur, issu d’une ces familles pauvres des Appalaches, jeune consommateur de comprimés en tout genre qui a su ensuite éviter les drogues dures, contrairement à un entourage aujourd’hui décimé. Sa révolte à lui, c’est dans son roman et ses articles qu’il l’exprime, tel celui qui figure en postface, où il dénonce la responsabilité de laboratoires pharmaceutiques dans le développement de la crise des opioïdes aux Etats-Unis depuis les années quatre-vingt-dix. Marketing à tout crin, sous-estimation intentionnelle des risques d’addiction : la cupidité a mené – et continue à mener – chaque année à la mort plusieurs centaines de milliers d’Américains, en tête desquels les plus pauvres et défavorisés.
Peinture sociale en même temps que roman policier, un livre noir, dont les personnages, découpés sur le fond d’incendies menaçants et rampants, semblent les victimes d’un monde en perdition, sur la brèche d’un enfer prêt à l’engloutir.
Dernières lueurs
Raymond Mathis n’attend plus grand-chose de la vie. Sa femme est morte d’un cancer, trois ans plus tôt, il lui reste sa chienne Tommy-Two-Tons, presque aveugle, et « le garçon » son fils Ricky qui se drogue depuis si longtemps que Ray peine à se souvenir des moments où il était clean. Dans cette région des Appalaches, presque tout le monde a « un problème d’addiction »… Sur la route, un panneau affiche le nombre d’overdoses dans le comté, un nombre en constante évolution évidemment… Raymond vit dans la hantise que son fils finisse comme ça, une aiguille plantée dans le cou… Il a tenté mille fois de le sortir de l’héroïne mais Ricky a toujours replongé… Un jour, Ray reçoit un appel de son fils : il doit 10 000$ à un dealer. Et s’il ne paye pas, il sera tué, sans aucune pitié. Une dernière fois, Ray vient au secours de son fils, mais il prévient le dealer : s’il vend encore un seul gramme d’héroïne à Ricky, il saura le lui faire payer…
Ce roman est bâti autour de deux personnages principaux, Ray et Denny Rattler, deux victimes, chacune à leur façon, du fléau de la drogue. Leur rencontre, improbable, dans une scène d’anthologie, laisse entrevoir une toute petite lueur d’espoir dans un univers crépusculaire, tout juste éclairé par les incendies qui dévastent les forêts des Blue Ridge Mountains et des Great Smoky Mountains.
Avec son écriture simple et sincère David Joy emporte le lecteur dans une histoire poignante directement inspirée de sa vie personnelle. Il s’en explique d’ailleurs dans un article publié dans la revue America, intitulé « Génération Opioïdes », qui figure en postface de ce livre, où il met en parallèle l’appauvrissement de sa région et l’addiction aux drogues.
J’ai lu tous les livres de David Joy que je considère comme un des meilleurs auteurs américains. Ainsi qu’il le dit lui-même, il n’écrit que sur ce et ceux qu’il connaît, notamment sur cette région des Blue Ridge Mountains et des Great Smoky Mountains, en Caroline du Nord, où il est né et où il vit. C’est pourquoi ses romans qui sont profondément ancrés dans ces (ses) racines respirent une telle authenticité.
Je referme ce livre touchée en plein cœur.
A voir, à écouter, à partager l’interview de David Joy sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=9auYKohRoxo
Ou encore le livre de Beth Macy, Dopesick (non traduit en français ?) dont a été tiré une série éponyme (https://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/dopesick-chronique-d-un-scandale-sanitaire-annonce_6c49dc3e-4173-11ec-8b88-48aa02225af4/).
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