Deuxième partie de cette liste pleine d'idées de cadeaux pour toutes les envies !
Direction le Couserans ariégeois, dans les Pyrénées centrales, territoire où la relation à l'ours est inscrite depuis des siècles, et qui concentre aujourd'hui la plus grande population française d'ursidés depuis leur réintroduction dans les années 1990.
J'ai été immédiatement charmée par le voyage immersif proposé par la prose claire et enveloppante de Clara Arnaud. Les paysages ariégeois nourrissent organiquement le texte. La montagne est LE personnage de ce très beau roman, la matière travaillée par l'autrice dans toute ses dimensions : les pentes, la roche, air, la faune, la flore, sa mysticité, son intimité, un organisme complet, ensorcelant et âpre, dans lequel le destin des hommes est enchâssé dans celui de la nature, ici plus particulièrement celui d'une ourse surnommé la Negra du fait de la teinte de son pelage.
" Tout ici n'était qu'engendrement et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient."
Trois chapitres, trois saisons, du printemps à l'hiver. Deux personnages humains sont nos guides, le temps d'une estive. Gaspard, le néo-berger, vit avec la menace de l'ourse, ses chiens, ses brebis à protéger, ses peurs et angoisses depuis un terrible incident qui le hante depuis sa survenue l'année précédente.
« Il songea au mot de Maëlle ( sa fille ) . N'aie pas peur. La montagne rêve. Mais à quoi rêvait-elle, effacée dans la nuit ? Elle appartenait à d'autres échelles que les vies qui s'y jouaient, les surfaces lisses et celles abrasées résultaient du temps qui passe et érode ; elle était le temps même, matérialisé dans la roche, divaguait Gaspard. Il regarda Jean, dont le torse nu, noueux et bruni par le soleil se soulevait au rythme lent de sa respiration. le vieux n'avait jamais froid, il pouvait endurer des vents glacials et des trombes d'eau et, dans la fraîcheur des nuits d'altitude, persévérait à dormir torse nu, sa peau-cuir exhibée, dont les tries, la patine disaient le grand âge. (...) Les nuages avaient de nouveau formé une nasse, le ciel était outrenoir, comme dans les toiles de Soulages, d'un noir plein de relief, qui révélait les contours, la matière même des choses. N'aie pas peur, la, montagne rêve, se répéta-t-il encore comme une formule magique venue de cette civilisation perdue qu'est l'enfance. »
Alma, éthologue, travaille au Centre national de la Biodiversité, prône une « science qui tache », un engagement physique constant et une confiance en ses intuitions plutôt que de réfuter toute part de subjectivité à l'observation protocolaire. Persuadée qu'une meilleure connaissance du comportement de l'ours et de l'usage de son territoire est nécessaire à une cohabitation sereine avec les hommes.
Clara Arnaud aura pu faire le choix d'une confrontation brutale entre Alma et Gaspard. Elle se fait au contraire apaisée, malgré les enjeux et les brebis tuées par l'ourse. Leurs regards différents sur le vivant se croisent en une belle complexité qui nourrit une réflexion riche et une interrogation profonde sur notre rapport au sauvage, à ce qui échappe au contrôle des hommes. Sans angélisme, sans pour autant transformer son roman en tribune politique ( bien qu'on sente aisément de quel côté penche le coeur de l'autrice ), sans jamais que le texte ne sonne comme « donneur de leçons ».
Je ne suis pas totalement convaincue que l'arc narratif parallèle racontant l'histoire d'un montreur d'ours ariégeois parti chercher la gloire à New-York avec son ourse capturée toute petite sans sa tanière, apporte réellement au roman, l'histoire d'Alma, Gaspard et de la Negra se suffisamment en elle-même. Mais j'ai aimé lire ces pages-là qui soulignent l'intrication ancestrale entre les ours et les hommes.
Un roman subtil et authentique, parfaitement incarné, rempli d'émotions, de souffle, de poésie, de vie.
Dans les pas de Gaspard, le berger, gardien du troupeau de brebis, d’Alma, l’éthologue du Centre National pour la Biodiversité, et de Jules, le montreur d’ours vivant au siècle dernier parti pour l’Amérique avec son carnet de saltimbanque dans la poche, le lecteur découvre l’étude comportementale des plantigrades. Semaines après semaines, au sein de la montagne pyrénéenne, avec eux nous surveillons les déplacements, récoltons les poils sur les troncs, étudions les empreintes et les crottes, cherchons les branches cassées, posons les caméras et relevons les données. Sur les crêtes, 820 bêtes à garder avec les chiens, à soigner (piétin, panaris, coupures, etc.), à protéger d’une Ourse, Négra, que les autochtones maudissent après le terrible accident de l’année passée. « Et vous passerez comme des vents fous » de Clara Arnaud, une immersion dans cette nature où la beauté sauvage émerveille les randonneurs le jour et fait ressurgir les peurs ancestrales à l’approche de la nuit quand les ours let les loups rôdent ; une cohabitation narrée avec justesse.
La part de l’ours
Avec ce titre magnifique, Clara Arnaud nous démontre ce que devrait être la place de l’homme dans la nature : une place parmi d’autres.
J’ai particulièrement aimé que deux histoires se chevauchent sur ce territoire du Couserans dans les Pyrénées ariègeoises, celle de Jules adolescent qui au printemps 1887, ayant guetté le réveil de l’ours et son éloignement de la tanière, y pénètre pour subtiliser une oursonne. Dès lors son rêve peut s’accomplir, il sera montreur d’ours et fera le tour du monde avec sa bête. Il réalisera son rêve, mais…
Dans ce qui a été sa maison, Gaspard et sa famille se sont installés, presque quatre décennies plus tard.
Pour celui-ci c’est un retour au pays et une reconversion, Jean vieux berger au savoir ancestral veut faire de lui son successeur, il lui reconnait de vraies valeurs.
Jean est un véritable mentor pour Gaspard. Il a la sagesse et la nuance.
L’ours est toujours au cœur des préoccupations de ce territoire.
Il ne fait plus rêver, il a été réintroduit sans l’avis des bergers et encore moins leur aval.
La cohabitation n’est pas simple.
« Si t’écoutais un peu les anciens, tu saurais que l’ours, c’est pas un enfant de chœur ! Alors moi, je suis pas pour tous les buter, mais on peut pas les laisser se servir dans les troupeaux, sinon c’est open-bar… »
Alors lorsque Alma débarque et que les habitants apprennent qu’elle est éthologue, venue observer les plantigrades, elle devient une cible. Elle cristallise, malgré elle tout ce que ceux qui vivent sur ce territoire et qui font vivre celui-ci, ont de hargne, voire de désespoir. La bureaucratie, depuis plus d’un demi-siècle, leur fait subir : une saignée.
En effet ces diktats sont faits par ceux qui ne connaissent pas le cœur des problèmes du territoire.
Mais en prenant Alma pour cible ils se trompent car dans l’organisation qui l’emploie elle est plutôt hors cadre, passionnée par son métier mais toujours à étudier l’animal pour trouver le juste équilibre.
Clara Arnaud sait de quoi elle parle, j’ai vécu l’estive et le savoir pluriel nécessaire pour qu’elle soit réussie. Les changements climatiques y sont prégnants, la perte du savoir ancestral en filigrane, car en effet, les jeunes qui restent n’ont pas tous ce besoin de savoir, ils sous-estiment les besoins primordiaux.
L’ours idolâtré ou diabolisé n’est que la partie visible des problèmes de la préservation de la nature. Trouver le juste équilibre pour occuper la terre, cohabiter, , l’homme n’est pas supérieur aux autres espèces.
Un roman qui se vit, extrêmement documenté, sans lourdeurs, des personnages bien incarnés. Une écriture subtile pour une réflexion profonde : dans quel monde désirons-nous vivre ?
Je remercie Masse Critique Babelio et les Éditions Actes Sud pour ce privilège de lecture.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2023/10/15/et-vous-passerez-comme-des-vents-fous/
Un voyage rafraîchissant dans les montagnes pyrénéennes parmi les brebis et les ours dont la cohabitation incertaine est l’objet de ce roman attachant. Nous y côtoyons Gaspard le berger, parti pour l’estive avec quelque 800 bêtes à surveiller, protéger et soigner et Alma, éthologue du CNB (Centre National de la biodiversité) chargée d’étudier le comportement des ours. Un conflit d’occupation des lieux entre ours et brebis offre une trame romanesque illustrant la difficulté d’un partage harmonieux, pourtant souhaité par certains, mais difficile à réaliser dés lors que la prédation exercée par l’ours sur les troupeaux s’avère importante. Des personnages bien incarnés, une nature vivante superbement décrite, les métiers de berger et d’éthologue richement documentés fournissent un agréable moment de lecture.
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