Entretien avec Christine Montalbetti au sujet de "Trouville Casino" son nouveau roman paru aux éditions P.O.L.
Entretien avec Christine Montalbetti au sujet de "Trouville Casino" son nouveau roman paru aux éditions P.O.L.
A lire quand on aime la délicatesse, la simplicité et la rigueur d’une langue littéraire sans effets de manche
Une histoire d'histoires?
Retrouvez ma chronique complète et illustrée sur aikadeliredelire.com ou en suivant ce lien :
https://www.aikadeliredelire.com/2023/05/lu-et-approuve-le-relais-des-amis-de.html?m=1
Pour ma part,
La quatrième de couverture est un topo résumant bien,certes, mais sans révéler vraiment à quoi s'attendre. Et j'ai été très surprise, pour ne pas dire déroutée par le concept, surtout au début.
C'est la première fois que je "tombe" sur un roman d'expérience littéraire et ludique, il ne manquerait plus qu’il soit interactif.
L’acrobatie romanesque de cette œuvre tient dans sa structure : sans le moindre temps mort, façon plan-séquence comme au cinéma, la narratrice nous fait glisser d’un personnage à un autre, d’une scène à une autre, d’un pays à un autre.
Dans son style bien à elle, par le biais de nombreuses mises en abîme et d’étincelles d’humour, la romancière s’adresse à nous lectrices et lecteurs, pour nous déloger d’une réalité et nous catapulter ailleurs, et avant que l’on ait eu le temps de dire ouf, on se retrouve propulsé quelque part au XIXe ou au fin fond des USA ; j’en passe et des meilleures.
Je ne m'attendais pas à un tel tourbillon de maestra littéraire pourtant le concept tient dans le titre « Le Relais des amis ». Comme dans une course de relais, chaque coureur transmet au suivant un bâton de relais appelé témoin. Inutile de dire que le témoin ici, c’est nous !
À mon humble avis, ce concept, sortant des classiques du genre romanesque, est digne d'un exercice oulipien*. Tout simplement bluffant : c'est une réussite.
+à lire si vous êtes en quête d’une expérience de lecture amusante et ébouriffante, si vous voulez célébrer la littérature et explorer les possibilités permises par elle.
❝Two roads diverged in a yellow wood,
And sorry I could not travel both
[…]
I took the one less traveled by,
And that has made all the difference.❞
The Road Not Taken, Robert Frost
Le Relais des amis est le titre du dernier roman de Christine Montalbetti en plus d’être le principe qui préside à la construction de cette histoire qui va, bondissante et joyeuse, d’un personnage à l’autre, d’un roman à l’autre, d’un pays à l’autre, sans préméditation aucune, au petit bonheur des hasards.
Simon est le premier à tenir le témoin de ce relais qui se court sur quelque 140 pages. Las ! Notre relayeur n’est pas très en jambes, voyez-vous. Écrivain en panne d’écriture, Simon est venu trouver refuge dans un paisible village de Normandie, entre mer et campagne, à un jet de galet du Havre. Avec lui on pousse la porte du Relais des Amis, le café du bourg et là… là… hop ! la course de relais est lancée. On va abandonner Simon, pas près d'achever sa fable, pour suivre le temps d’une ou deux pages Frédo et Mathieu avant qu’un autre personnage ne nous fasse bifurquer, qu’on lui emboîte le pas, que l’on visite un appartement vétuste faute de visiter l’aquarium dont le coin — impensable ! — est dépourvu, que l’on monte dans le taxi de Rémi, puis dans le train avec Greg et Eva, un couple d’Anglais que l’on quitte bientôt pour suivre une jeune voyageuse, une mouette, une mouche, une araignée ou, plus déroutant encore, un papier d’emballage de gaufre, un postillon, un mégot, un briquet, une paire de Converse, tous objets qui auraient quitté leur Conférence pour vivre enfin leur vie au grand air, et que l’on abandonne sans tarder ni scrupule, tout à l’allégresse de se laisser happer par l’impromptu d’une nouvelle rencontre et saisir le relais, aussi incongru soit-il, que Christine Montalbetti nous tend. Ainsi s’en va-t-on, primesautiers, au petit bonheur des bifurcations en un mouvement joyeux, léger, d’un personnage à l’autre, d’un livre de l’autrice à l'autre, de la France au Portugal, du Japon aux États-Unis, avant de revenir en Normandie pour un dernier passage de relais et franchir, quelque peu essoufflés, décoiffés mais heureux, la ligne d’arrivée de ce Grand Tour en compagnie de Simon qui a retrouvé la forme en même temps que l’inspiration.
À grand renfort d’apostrophes et de parenthèses, Christine Montalbetti crée un espace de connivence avec le lecteur qu’elle implique et entraîne à sa suite dès l’incipit, l’arrachant à la solitude de la lecture qui n’a d’égale que celle de l’écriture et dont Simon se désespère :
❝Une phrase, allons, une bonne petite phrase qui vous donne envie d’entrer dans cette histoire.❞
On multiplie les rencontres — certains personnages de précédents livres viennent faire un caméo ; on aperçoit des possibles que l’on suit, on en devine d’autres que l’on délaisse.
L’autrice, pour ne pas nous perdre en route, nous interpelle, nous emporte dans le mouvement. Et on est ravis d’être ballottés à la merci de sa fantaisie, d’embarquer tel Balzac sur un mot ou un indice, d’allonger la foulée vers le prochain relais.
❝Oui, c’est avec eux à présent qu’on embarque, vous commencez à comprendre le principe, à eux que Rémi passe le bâton de relais, d’autant que le train, ça nous ouvre de nouveaux horizons.❞
Un roman comme allégorie de la vie faite de ❝roads not taken❞. Que de et si… sème-t-on en chemin !
❝Le monde est un réseau inextricable de possibles, qui font autour de nous leur sarabande.❞
ou comme l’écrivait Borges :
❝Nos vies sont des jardins aux sentiers qui bifurquent.❞
Un roman comme éloge à l’art de la fiction, à ses espaces de liberté, à la fantaisie romanesque, où l’on croise des personnages qui portaient les romans déjà écrits par Montalbetti, le passage de relais faisant alors une sortie de piste pour aller tisser des liens avec ceux qui l’ont précédé.
Un roman comme euphorisante contribution à l’art de la bougeotte qui jamais il ne nous laisse nous installer dans une histoire pour y prendre nos aises. Qui a déjà lu Montalbetti sait combien elle affectionne prendre un petit rien et en exprimer l’essentiel. Ici, de ce petit rien elle fait le point de départ vers un ailleurs avant qu’un autre petit rien ne vienne tout chambouler.
Vous pensez que ce roman doit être un peu foutraque, alors qu'il n’est que la proposition d’une échappée toute affaire cessante dans le romanesque, d’un moment ❝détendu❞ — tel que le souhaite Steinbeck en exergue — dans un monde qui a oublié de l’être, détendu. La brièveté du roman fait que le procédé n’a le temps ni de s’user ni de nous lasser.
C. Montalbetti continue d’explorer, à sa façon vagabonde, les pouvoirs de la fiction. Le voyage est impromptu et délicieux.
❝Ah, les voyages que ça permet, la lecture, ah, l’espace idéal que c’est, un roman, où l’on peut circuler d’un lieu à l’autre, librement.❞
https://www.calliope-petrichor.fr/2023/01/11/le-relais-des-amis-christine-montalbetti-p-o-l/
De relais en relais
Dans ce roman d’une construction virtuose, Christine Montalbetti nous fait faire le tour du monde en passant d’un personnage à un autre. Des existences qui se relaient au fil des rencontres. Une manière de porter un regard malicieux sur la société actuelle.
Le jeu du Marabout, qui consiste à trouver une suite de mots dont les premières syllabes correspondent phonétiquement aux dernières de l'expression précédente.
Marabout, bout d'ficelle, selle de cheval, cheval de course, course à pied, etc. s'appelle la concaténation. Si je vous en parle ici, c'est que Christine Montalbetti utilise un procédé narratif similaire dans son nouveau roman pour passer d'un personnage à l'autre.
Tout commence avec Simon, écrivain venu en Normandie pour se mettre à son nouveau roman, mais reste en panne d'inspiration.
Pour la retrouver, il décide de faire une marche. Une promenade qu'il achève en allant prendre un café au comptoir du Relais des amis. Outre Tatiana, la serveuse, il croise deux habitués, Frédo et Roger, Gégé le patron et Momo, assis seul à une table. Mathieu, l'apprenti de Frédo, venant compléter le tableau. Alors Simon "se laisse impressionner par les petits froissements d'âme autour de lui" et détaille ce microcosme. Avant de suivre Frédo et Mathieu qui ont du boulot. Leur camionnette est garée près de l'agence immobilière de Lorette. Lorette qui prend le volant de sa Clio pour faire visiter un bien à son client du jour. Mais cette maison est trop chargée d'histoires et Bastien, le client, renonce à l'acquérir. En revanche, il a un peu de temps libre et demande à Roger, le chauffeur de taxi, la direction de l'aquarium. Mais Roger est distrait, il doit prendre en charge le couple Worcester pour le conduire à la gare. On suit alors Eva et Greg Worcester qui prennent place dans leur compartiment. Les septuagénaires sont bientôt rejoints par Lila, une jeune fille qui a le don d'agacer Eva.
Si le petit jeu continue, ce n'est pas sans un clin d'œil au lecteur: «Et là, je mets cartes sur table. Deux solutions s'offrent à nous : les suivre ou rester avec Lila. Ah, le monde est un réseau inextricable de possibles, qui font autour de nous leur sarabande, et que nous assassinons finalement sans vergogne chaque fois que nous faisons un choix. Vous avez une préférence ?»
On choisit donc de rester avec Lila. Qui rentre chez elle où l'attend Dylan. On entre alors dans l'intimité d'un jeune couple. Mais pas trop, car la décence a des limites. Alors suivront la mouche que chasse Lila et entrons dans la loge où Estelle et Vanda papotent et évoquent le Portugal où Alberto, le mari de Vanda, est parti construire une maison pour leur retraite.
Et nous voici sur les bords du Douro où vit aussi Manoel, le fils de Vanda et d'Alberto. Après une conversation téléphonique avec sa mère, on le suivra que le temps de croiser un nouveau protagoniste.
Maintenant que vous avez compris le principe de ce roman construit avec virtuosité, je vous laisse découvrir la suite. Une belle galerie de personnages et de lieux vous attend, passant du Portugal au Japon, où vous découvrirez le pachinko, puis aux États-Unis, à Paris où une mouette prend son envol pour retrouver la Normandie pour un final magique. L'occasion pour la romancière d'ajouter aussi quelques "vraies" connaissances aux rencontres proposées, mais aussi de revisiter sa bibliographie de l'autrice. De Trouville Casino (Normandie) à Love Hotel (Japon) et à Plus rien que les vagues et le vent (USA).
Oui, décidément, La vie est faite de ces toutes petites choses dont on se régale tout au long de ce roman drôle et entraînant qui pétille de malice. Une pépite de cette rentrée !
https://urlz.fr/kVLF
"Oh cet étrange choeur qu'on forme tous ensemble sans le savoir", cette phrase toute simple en quatrième de couverture, cette phrase seule contient sans doute tout le livre. Encore faut-il avoir le talent de développer, le regard qui discerne, l'acuité qui saisit l'essentiel, l'art de construire, de tirer les fils et de les mêler. Ce roman est une démonstration assez époustouflante d'écriture où l'autrice est autant actrice que narratrice sans pour autant voler la vedette à ses personnages ni à son sujet. "Cet étrange chœur qu'on forme tous ensemble sans le savoir".
Ce roman-monde jaillit à partir d'un petit coin de ville, un carrefour de quartier que l'on peut observer depuis une fenêtre, là où vit "le père" dans la relative solitude de la vieillesse. Le métier de son fils, Tom, l'oblige à de longs mois en mer et le père a tout son temps pour interroger ses souvenirs, les liens familiaux perdus ou distendus, mais aussi pour observer les individus qui gravitent dans le cadre de sa fenêtre. Un hôpital, un arrêt de bus, un avion qui passe au-dessus, un bistrot, des porches d'immeubles et toutes ces existences qui se croisent sans se voir ni se connaître et en ignorant souvent à quel point elles sont liées. Leur fragilité est palpable, tout comme la conscience du temps qui passe. L'écrivaine crée le mouvement, fouille les mémoires, explore l'altérité et l'infinité. Elle exhume les existences qui depuis la nuit des temps se sont effacées pour que d'autres se déploient qui devront disparaître à leur tour. Elle en crée à sa guise, c'est son pouvoir, sa magie. Libre à elle de choisir les chemins, de multiplier les points de vue, de décider des rencontres. De les mener à bon port ou de les laisser en suspens.
Sous les yeux du lecteur se déploie en majesté la promesse du titre, Ce que c'est qu'une existence avec ses multiples dimensions, par la grâce d'une construction magistrale dont la complexité s'efface derrière l'évidence de la narration. C'est assez impressionnant, cette sensation que chacun de nous porte en lui des centaines d'histoires prend soudain forme et devient palpable par l'intermédiaire de celle qui choisit de les mettre en scène. Pendant que le monde continue de tourner, les existences de se croiser et les vents de jouer à les emmêler.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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