"Je voulais écouter du rap opaque, dans des bras déraisonnables ».
Que faut-il le plus admirer dans ce livre : la forme ou le fond ? Suivons l’intrigue : simple, ouverte par la concision de l’écriture à l’imagination du lecteur. Braine relève d’une grave commotion qu’ont soignée trois mois de séjour en hôpital militaire ; il s’était engagé. Il retrouve Lily sa femme, Louis son jeune fils, la chienne Lucie. Apparemment il revit, à l’ombre de cette famille aimante et de son beau-père président - la plus grande concession automobile de la région - qui procure, à lui des petits boulots, au ménage son aisance. Mais une blonde fatale de jaune vêtue, vient rappeler à Braine qu’il a été un bon musicien de jazz (« improvisateur exceptionnel ») et le convainc de réunir le quintet qu’il formait jadis, lui et quatre autres musiciens amateurs, aujourd’hui dispersés… Le récit enfle, qui conduit le couple au plus grand désordre : la réalité est que Braine, revenant de la guerre « ne ressemble à rien, d’ailleurs il n’est plus rien ».
La forme - exigeante - tient de la virtuosité : phrases courtes et syncopées, dialogues lapidaires relevant de leurs stridences le tempo serré du récit, descriptions fulgurantes (« […] allumait son cigare, avec soin, lenteur, le bout tournant dans la flamme jaune de l’allumette qui produisait à chaque bouffée une poussée d’incandescences », annotations piquantes (« Un pré, pas un champ »), assonances éclatantes (« […] et c’est en pensant à Lily et à Louis, à ce que Lily allait penser de lui, que Louis et lui avaient le même âge mental […] ») … Et ces tâches de couleurs vives (robes, chevelures, voitures, meubles…) qui illuminent une histoire que l’on se projette en noir et blanc… Les notes, le jazz !
J'avais déjà succombé au charme de Christian Gailly lors de la découverte de "Un soir au club" et c'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé l'atmosphère jazzie qui lui est si particulière.J'aime son style poétique aux phrases courtes. Dommage que ses personnages soient si désespérés !
Il semble qu'il y ait plus hors le livre que dans le livre. Tout se joue davantage dans la tête du lecteur qui doit relier les informations, imaginer le passé de Braine qu'ila voulu fuir en s'engageant dans une armée qui n'était pas la sienne. La tension dramatique est hors le livre simplement exprimée par la phrase légère de Gailly. On adhère ou pas. Mais ce roman, si ténu en apparence, reste longtemps en tête après l'avoir refermé, ce qui est assez rare, le signe des grands livres ou des romans très agaçants.
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"Je voulais écouter du rap opaque, dans des bras déraisonnables ».
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