
Après Zelda Fitzgerald, l’héroïne-égérie de son dernier livre, Alabama Song, couronné du Prix Goncourt 2007, Gilles Leroy prend un virage à 180 degrés pour ériger une nouvelle héroïne, vieille femme ordinaire qu’il dote d’une dimension romanesque bouleversante.
2005 dans le delta du Mississippi. Zola Jackson est une femme d’une soixantaine d’années qui a perdu mari et fils qui vit seule à Gentilly avec sa chienne Lady. Quand la tempête Katrina commence à souffler, elle refuse de se faire évacuer : elle ne sait pas nager et ne veut pas quitter sa maison où se réfugient tous ses souvenirs.
Et pour aller où de toute façon, se demande-t-elle ? Se succèdent alors la tempête, le déluge, l’inondation par les digues qui cèdent toutes en même temps, puis la canicule et la vermine.
Quand la maison vacille, les souvenirs deviennent son seul refuge. Ceux de Betsy, la grande tempête de 1965 qui souffla quand elle venait à peine d’accoucher ; ceux de son fils surdoué mais défunt qu’elle adorait et qui vivait avec un homme qu’elle n’a jamais accepté ; ceux de la vie d’avant, dure, la vie des petites gens à la noblesse orgueilleuse.
De Zelda à Zola, il n’y a que quelques lettres pour deux héroïnes distinctes. Si dans Zelda, Leroy confiait son regard personnel sur l’intimité de la femme de Fitzgerald, Zola apparaît comme un roman plus social, mais il s’agit toujours d’une épopée intime, celle d’une femme dont la vie et les choix ne sont pas toujours compris par les autres.
Gilles Leroy avait habitué son lecteur à des romans emprunts d’autobiographie. Ce n’est pas le cas dans Zola Jackson, à deux exceptions près : le questionnement sur l’homosexualité, et la relation de l’héroïne à sa chienne, hommage discret à Champsecret (2005) et au penchant de l’auteur pour les chiens.
Karine Papillaud
Zola Jackson, Gilles Leroy (Mercure de France), 2010