
Une pièce de théâtre de Wajdi Mouawad, c'est du Mouawad avant d'être du théâtre. C'est un univers, ou plutôt des univers.
Car la prouesse chez Mouawad, tient de l'incroyable richesse de son écriture et de son inépuisable audace narrative qui mêle avec brio modernité et classicisme.
Salué pour l'ensemble de son œuvre théâtrale, Wajdi Mouawad se voit décerné, à 41 ans, le grand prix de théâtre de l'Académie française en 2009. Discret, il raconte des histoires d'aujourd'hui, surprenantes et bouleversantes. Son quatuor Le Sang des promesses en est la magistrale démonstration. Indépendante les unes des autres, chacune des pièces a son propre ressort, son suspense et son écriture.
Dans Littoral (1999) l'écriture est presque "parlée". L'histoire commence quand Wilfrid, personnage principal, raconte qu'il apprend la mort de son père, en pleine nuit. Et lui qui ne savait pas qu'il avait un père, part sur le champ reconnaître le corps à la morgue. Commence alors pour Wilfried un long parcours, pour donner une sépulture à son père dans son pays d'origine. Parcours qui, de surprise en surprise et de rencontre en rencontre lui fera découvrir son père, mais aussi sa mère, morte en le mettant au monde.
Incendies ((2003), quant à lui est construit comme un polar qui se dévore. Deux enfants écoutent la lecture des dispositions testamentaires de leur mère, au cours de laquelle ils apprennent que leur père est vivant et qu'ils ont un frère aîné. Leur mission : les retrouver et leur remettre à chacun une lettre. Construit par aller-retour dans le passé de leur défunte mère, la pièce superpose les temps d'hier et d'aujourd'hui avec une intensité dramatique qui va crescendo. L'écriture théâtrale insuffle une énergie au récit, qu'un roman n'aurait jamais pu rendre.
Ciels qui clôt Le Sang des Promesses, s'inscrit dans un temps unique et dans un lieu clos où sont enfermés cinq personnages qui ont pour mission de déjouer un attentat. Les technologies d'espionnages les plus sophistiqués sont mises en œuvre comme autant de personnages supplémentaires, qui donnent à l'écriture un style futuriste. Mais par delà la technologie, l'humanité reprend le dessus quand les personnages sont rattrapés par leur fragilité affective.
Le théâtre de Wajdi Mouawad mélange les époques et les genres avec impertinence et jubilation. Et malgré des situations bien souvent dramatiques, l'horizon est toujours teinté d'espoir et d'une formidable énergie vitale.
Du même auteur
Le Sang des promesse, Puzzles, racines, et rhizomes : rassemble des lettres aux acteurs, des notes de travail, des croquis, des maquettes, des réflexions et préliminaires.(Leméac / Actes Sud - Papiers - 2009)
Seuls, Chemin, texte et peintures. Mieux comprendre Wadji Mouawad par des phrases et des réflexions qu'il nous livre, abruptes. "Écoutant la chanson de Mohamed Abd el-Wahab, je constate alors que si je suis incapable d'en comprendre les paroles, c'est précisément parce que nous avons quitté le Liban, et si nous avons quitté le Liban, c'est à cause de la guerre civile. Je peux donc dire en bon logicien, que si je ne comprends plus l'arabe, c'est un peu à cause de la guerre civile." (Leméac / Actes Sud - Papiers - 2008)
"Il m'a fallu attendre un an pour remarquer que la rosace de la cathédrale Saint-Etienne à Toulouse, est décentrée vers la gauche (…) il est possible d'écrire des phrases dont les "rosaces" sont décentrées".
Agathe Bozon
(Photo : Mouawad2©Jean-Louis Fernandez)