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Une Vérité si délicate de John le Carré

Les subtiles indignations de John le Carré

Une Vérité si délicate de John le Carré

Parmi les grands noms du roman d'espionnage, Gérard de Villiers, disparu il y a quelques semaines à 83 ans, excellait dans la description brute et parfois même visionnaire quand il imaginait, un an avant l'opération Serval, les colonnes de 4x4 déferler sur le Nord Mali. John le Carré fascine, lui, par sa capacité de déconstruction des grands rouages géopolitiques.

 

 

 

 

Dans son dernier roman, « Une Vérité si délicate », l'ancien agent des services de renseignement britanniques devenu écrivain il y un demi-siècle, s'attaque à tellement de problématiques contemporaines que cela en devient étourdissant. Dès l'introduction – une mission commando, à Gibraltar, contre un djihadiste, menée par une équipe de forces spéciales de sa Gracieuse majesté accompagnée de mercenaires – il aiguise en quelques pages son humour féroce sur l'inexorable tendance à la privatisation de la guerre...

Le tout, décrit à travers le regard aussi ahuri que circonspect d'un diplomate falot. Plongé au beau milieu de cette entourloupe en tant « qu'agent de liaison » pour un secrétaire d'Etat trop dynamique pour être honnête, le pauvre Kit Probyn n'y comprend rien. Le lecteur non plus, d'ailleurs, et toute la mécanique du récit consistera à faire jaillir, ou non, cette fameuse « vérité si délicate »... Probyn deviendra lui-même le « lanceur d'alerte », forcément inspiré par Bradley Manning ou Edward Snowden, en s'alliant à un jeune cadre du Foreign Office, tiraillé entre sa fidélité sincère à son administration et sa conscience.

Le Carré en profite pour démonter le rapprochement consanguin entre armées et milices privées, enjeux d'état et intérêts particuliers, grands desseins et petites corruptions. Un pourrissement que l'auteur fait remonter au deuxième mandat de Tony Blair (cible d'un feu nourri de critiques), marqué par la guerre en Irak et les diverses trahisons à l'idéal social-démocrate qu'il était censé incarné. Moins centré sur les officines de renseignement que les autres ouvrages du vieux maître anglais, « Une Vérité si délicate » reste un témoignage précis et audacieux de la politique étrangère occidentale contemporaine.

Une Vérité si délicate, John le Carré, éd. Seuil, (2013)

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