
Dans Une forme de vie, son 19e roman, Amélie Nothomb abat le masque et révèle sa vie de romancière. Il y a les livres de fans, et les livres que des auteurs écrivent pour leur fans. Une forme de vie entre dans cette dernière catégorie.
Depuis Hygiène de l’assassin, son formidable premier roman paru en 1992, Amélie Nothomb publie avec une régularité horlogère un roman par an.
Avec plus ou moins de bonheur selon les années : après avoir enchaîné quelques livres décevants, l’inclassable romancière à succès revient avec une sorte de livre-confidence qui devrait ravir ses aficionados : Une forme de vie met en scène leur héroïne préférée, puisqu’il s’agit d’Amélie Nothomb elle-même. Elle raconte sa vie non pas d’écrivain, mais d’épistolière qui se fait fort de répondre à l’excessif courrier que ses lecteurs lui envoient. Cette Madame de Sévigné moderne qui ne publiera pas sa correspondance prend pour sujet sa relation avec un GI américain qui lui écrit de l’Irak où il se morfond dans une guerre toxique.
Pour protester contre ce conflit qui l’empoisonne, ce lecteur, Melvin Mapple, a décidé de manger au point de devenir obèse, et de faire de son obésité une œuvre d’art. Touchée, Amélie Nothomb se prend au jeu de cette relation et s’attache à cet homme étrange. L’intrigue n’est qu’un prétexte pour décrire le fardeau joyeux que représente pour l’auteure l’enthousiasme de ses lecteurs : prenant une semaine de vacances, elle évoque « ce luxe invraisemblable : le zéro absolu épistolaire ».
Et de décrire la masse de courrier comme « une mare pleine de piranhas qui cherchent tous à vous dérober une bouchée ». Enchaînée au désir de son public, Amélie Nothomb semble publier pour combler l’attente insatiable, avouant au détour d’une phrase : « je suis cet être poreux à qui les gens font jouer un rôle écrasant dans leur vie ». L’obésité de son personnage de militaire prend alors un autre sens, celui de la parabole de l’excès, mais incarne aussi la menace de se faire dévorer par l’amour de ses lecteurs.
Un livre plus sérieux qu’il n’y paraît. Heureusement, Amélie Nothomb donne le mode d’emploi : écrivez-lui mais écrivez court, et cessez de lui demander de l’argent ou un avis sur vos textes !