
Fanny Chiarello signe un roman au titre tentant, Une Faiblesse de Carlotta Delmont (ed. de l’Olivier), un grand destin de femme à la Stefan Zweig.
Carlotta : un prénom, tout un programme pour une diva qui, en 1927, s’apprête à interpréter sa première Norma sur une grande scène parisienne. Le succès est étourdissant, et pourtant Carlotta disparaît dans la nuit du triomphe. Suicide ? Enlèvement ? Douze jours plus tard, elle réapparaît, les cheveux coupés à la garçonne, mais sa carrière ne s’en remettra jamais.
C’est à un fait divers terriblement romanesque que l’auteure, Fanny Chiarello, mêle le lecteur qui pourrait croire que l’histoire a réellement existé. Sans doute que la forme choisie par la romancière y contribue pour beaucoup : des coupures de presse, des extraits de lettres, un journal intime, et même la retranscription, dix ans plus tard, de la pièce de théâtre adaptée de l’histoire de la Diva. Aucun narrateur ne prend le manche pour guider le lecteur qui plonge à pieds joints dans cette intrigue existentielle. Le résultat ? Une prouesse d’écriture aussi bien qu’une joie ludique à lire ce deuxième roman très maîtrisé.
Carlotta Delmont est une femme prisonnière de son image et de la fiction lyrique qui s’empare des divas dans les grands rôles de l’opéra. Elle vit, meurt, souffre, aime cent et mille fois sur scène mais peine à sentir sa propre existence. Quels sont les risques, alors, pour celle qui tentera de se dégager de l’emprise médiatique pour retrouver une vie à elle ? L’héroïne de Fanny Chiarello est une Bovary qui paiera le prix fort pour avoir trahi sa gloire. Un peu à la manière d’Ingrid Bergman, conspuée par Hollywood quand elle choisira de quitter son mari pour Rossellini, quelques décennies plus tard.
Une Faiblesse de Carlotta Delmont, Fanny Chiarello, Ed. de l'Olivier, (2013)
Karine Papillaud