
Encore un livre d’un journaliste qui se prend pour un écrivain, pourrait-on penser. Et pourtant dans Un Très grand amour, Franz-Olivier Giesbert livre une fiction pleine de pudeur dévoilée, l’histoire d’un sexagénaire saisi au cœur de ses contradictions.
Antoine est un journaliste et écrivain connu, sexagénaire qui prend soin de son corps, néglige gentiment sa femme, et drague les filles de l’âge de ses enfants. Jusqu’au jour où il tombe fou amoureux d’une femme, perdue dans le public d’une conférence qu’il donne dans le Sud de la France.
Commence alors ce « très grand amour » qui se disloque quelques années plus tard quand le narrateur apprendra la nouvelle de son cancer de la prostate. Ou plus exactement quand il fera le choix de privilégier sa vie d’homme et ses capacités amoureuses au détriment d’un traitement efficace mais aux conséquences néfastes pour sa virilité. La vie s’écroule et la dépression s’abat sur les restes de cet amour fusionnel. Et puis cet amoureux impénitent rencontre une autre femme.
Tout est vrai et tout est faux dans ce roman. Giesbert a prévenu en tête du livre : "Tous les personnages de ce livre sont purement imaginaires, sauf l'amour, le cancer et moi-même", mais il s’amuse évidemment à brouiller les pistes entre la vie et la fiction. Le cancer de la prostate, c’est du réel, ce qu’il en fait est autre chose.
Le patronyme de son héros, Antoine Bradsock est inventé, mais sa description fait comme un clin d’œil à l’auteur : « Si mon nom ne vous dit rien, vous m'avez sûrement vu, tard, le soir, à la télévision. Un guignol avec un air égaré et un regard torve à cause d'un oeil qui envoie l'autre paître. Au temps de ma gloire, je présentais chaque jeudi une émission littéraire sur une chaîne publique ».
Les écrivains se nourrissent tous de leur vie, faisons grâce à FOG de relier les points de sa vie aux traits du roman. Un très grand amour n’est pas un patchwork de magazines people mais un roman fait d’une histoire et d’une écriture. Une vraie fiction qui dévoile un homme dont l’envergure de patron de presse écrase un peu l’écrivain qu’il contient depuis tant de livres déjà et que ce Très grand amour révèle.
Karine Papillaud
Un très grand amour, Franz-Olivier Giesbert (Gallimard), 2010