
« Les femmes doivent-elles être nues pour rentrer au Metropolitan Museum ? » se demandaient avec une ironique naïveté les Guerrilla Girls, un groupe d'artistes féministes né dans les années 1980 à New York. Ces héroïnes masquées cherchaient à lutter contre la sous-représentation des femmes et la misogynie du monde de l'art contemporain. Trente ans plus tard, Siri Hustvedt reprend ce combat à son compte dans son dernier roman, « Un Monde Flamboyant ».
L’auteur d’un « Eté sans les hommes » (2011) y compose sous forme de dossier posthume une enquête sur une artiste new-yorkaise fictive, Harriet Burden, dont l’oeuvre – de grandes installations multimédia – n’ont jamais pu recevoir l’écho qu’elle méritait. Après sa mort, un universitaire mène l'enquête, compile le carnet de notes acerbes d’Harriet Burden, recueille les témoignages de ses proches et découvre que l’artiste, longtemps dans l'ombre de son mari, galeriste réputé, va se venger du sexisme ambiant en faisant signer des expositions par trois prête-noms masculins. Ils se retrouveront tous acclamés par la critique, même le premier, Andreas Tish, jeune ignare ne pouvant expliquer « son » installation aux critiques.
L’affaire se compliquera cependant quand le troisième artiste en question, Rune, niera toute implication d’Harriet Burden dans sa propre exposition... et disparaîtra dans des circonstances troubles. Il faut un certain courage pour se plonger dans « Un Monde flamboyant », vaste récit multipliant les points de vue, les anecdotes et les références. Mais il est intéressant de constater comment Siri Hustvedt, qui a pu être réduite par le passé à sa condition de « femme de Paul Auster », s’empare des études de genre, très caricaturées ces temps-ci en France, pour en faire une excellente base de départ à une fiction intellectuelle, nourrie de faits réels, de psychanalyse et de réflexions sur l’histoire de l'art. De ce point de vue-là, les lecteurs familiers avec le monde de l’art contemporain et l’usage du pseudonyme trouveront dans ce roman matière à rire à gorge déployée.