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Un homme effacé d'Alexandre Postel, prix Goncourt du Premier roman 2013

Un homme bien sous tous rapports

Un homme effacé d'Alexandre Postel, prix Goncourt du Premier roman 2013

 

Alexandre Postel est un tout jeune auteur, Un homme effacé (Gallimard) est son premier roman. L’histoire d’un professeur de philosophie qui se trouve accusé de détenir des fichiers pédo-pornographiques sur son ordinateur.

 

 

 

 

 

 

Probe, North l’est jusqu’à la rigidité. Il incarne à la perfection le professeur entre deux âges rébarbatif et droit, qui ennuie et qu’on respecte à la fois. Le portrait craché du type sans histoire, veuf depuis dix ans, confit dans une tristesse assumée et vernaculaire. Il est tellement transparent et irréprochable, le personnage principal du livre d’Alexandre Postel, qu’il finit par faire un coupable désigné le jour où une enquête de police conclut qu’il serait possesseur de fichiers informatiques criminels. Les fichiers internet sont bel et bien sur son poste de travail personnel, à son domicile, alors North est inculpé. Pour l’heure, le lecteur est aussi estomaqué que le héros. Mais doucement, le doute s’insinue, à mesure que les « honnêtes témoins » défilent. Une photo de sa nièce en maillot de bains, gentille prise de vue d’un tonton gâteau, devient même pièce à charge, sa famille lui tourne le dos.

Alors, North est-il coupable ou pas ? Que vaut la vérité de l’innocence quand la société vous condamne et que le lecteur, lui aussi, vous regarde d’un œil torve ? La démonstration est admirable, qui montre qu’on est coupable et innocent selon l’œil qui fixe et fige, et que la vérité, au fond, ne compte pas vraiment. Le sujet, un homme bien accusé de pédophilie ou, ici, de pédopornographie, n’est pas neuf. Cependant Alexandre Postel en réinvente les aspects sociologiques : car North ne cherche pas à se défendre.

Tel un bouc émissaire de l’ire de l’époque, il se conforme au jugement qu’on porte sur lui. Que penser d’une telle soumission de la part d’un professeur de philosophie armé pour penser, sinon qu’elle a percé à jour la folie de la collectivité humaine ? Il y a du William Golding dans la réflexion sur la sauvagerie archaïque du groupe, mais aussi quelque chose comme une méditation sur la violence de l’image et la fuite en avant des medias. Servi par une retenue, une sobriété sophistiquée, ce premier roman bouscule le lecteur et bravache, le laisse confronté à son questionnement intérieur.

Karine Papillaud

Un homme effacé, Alexandre Postel, Gallimard, (2013)

Photo Catherine Hélie/Gallimard

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