
Journaliste et critique de cinéma, Paul Lynch, né en 1977 et originaire de Carndonough, dans le Donegal fait une entrée remarquée dans la littérature irlandaise. Un ciel rouge, le matin, salué par la presse anglo-saxonne, est un premier roman qui s'impose comme la promesse d'une véritable œuvre littéraire.
1832, Coll Coyle, modeste fermier, est expulsé de sa maison, par Hamilton, le fils du riche propriétaire dont il exploite la terre. Une injustice qui, broyant Coll autant qu'elle le révolte, le pousse à commettre l'irréparable : il tue le jeune homme et est contraint à fuir pour échapper aux représailles. Une véritable chasse à l'homme commence. Les hommes de main du père de la victime, Faller en tête, ont décidé de venger la mort du fils.
Souffrances, peur, fatigue, boue… Coyl fuit traversant le Donegal, humide et boueux, parvenant miraculeusement à échapper à ses poursuivants. L'écriture de Lynch, très visuelle, presque cinématographique réserve d'inattendus moments de poésie cruelle, racontant la survie et la mort toujours proche : "La forêt alentour fourmille de craquements, le ciel est strié de balafres. Ils contournent un grand sapin tombé, envahi par la mousse et la pourriture, avant d'atteindre une petite clairière et une maisonnette que la végétation étrangle à-demi".
Laissant femme et enfants derrière lui, Coyl embarque pour l'Amérique pour une traversée qui "risque de durer quatre semaines, à moins que ce ne soit huit". Ils sont nombreux sur ce bateau, quelque cent cinquante passagers, qui font cap vers la terre promise dans de très rudes conditions.
Quand enfin ils débarquent, Coyl écoute avec ses compagnons d'infortune Duffy, irlandais, cigare au coin des lèvres, qui leur explique : "Je suis né en Ulster comme vous tous, moi j'ai bien réussi, croyez-moi vous aurez toutes les peines du monde à faire de même sans l'aide de gens dans mon genre". L'homme est menaçant, mais incarne une promesse de jours meilleurs.
Coyl pourrait presque oublier ses poursuivants et travailler sur le chantier, où chaque jour des hommes meurent, victimes d'une épidémie de choléra ou froidement assassinés,…quand Faller et ses hommes resurgissent.
Un roman épique, dont Paul Lynch dit "qu'il n'est pas un roman historique, mais qu'il s'enracine dans l'histoire". En effet, ce qui inspira l'auteur fut un fait réel étouffé : la découverte des restes de cinquante-sept ouvriers irlandais, dont beaucoup furent assassinés. Venus d'Ulster, ils avaient été embauchés pour la construction d'une voie ferrée.
Agathe Bozon
Photo : © Richard Gilligan