
Pour son troisième roman, Eric Paradisi a choisi un thème peu fréquenté par les écrivains, celui de l’hermaphrodisme. Une audace bien récompensée par une histoire inédite et admirablement conduite.
Camille est né sous X du ventre d’une toute jeune fille qui n’a pas voulu voir l’enfant ni connaître son sexe. La surprise lui aurait été grande de découvrir un bébé garçon ET fille qui, en revanche, fait la joie de sa mère adoptive, chapelière de son état, et de sa fille Margot. Ensemble, elles couvent de tendresse un enfant épanoui qui navigue entre ses deux identités, comme enfermé dans un ventre doublement maternel.
Tandis que la vie de la jeune fille se déroule en parallèle de la sienne, Camille devient mannequin à 15 ans, célèbre pour son magnétisme, et l’ambivalence de sa sexualité va croissant. « Au creux de mes jambes nues, un garçon s’accrochait désespérément au-dessus de la fille. Mes yeux voyaient ce que voyait le garçon, et mes mains ne pouvaient toucher ce que touchaient celles des garçons, seulement ma bouche pour me rappeler qui j’étais ; dussé-je en assumer les conséquences ».
Eric Paradisi écrit sur l’intime. C’est donc naturellement qu’il s’est glissé dans la peau de cet hermaphrodite, et de façon très convaincante. Jamais voyeur, Un baiser sous X est un livre amoureux et gourmand : la récurrence des bouches et des baisers cueillis en fait une ode au flirt et à la sensualité vraie.
Plus que l’identité sexuelle, c’est la question du genre qu’il aborde, dans l’oscillation entre féminin et masculin qui est le propre des deux sexes. Mais ce roman est sans doute d’abord un texte sur l’enfance, pure et solaire, qui vit, ressent, expérimente, se construit et se souvient, gisant au creux de chacun, secrètement enfouie.
Karine Papillaud
Un baiser sous X, Eric Paradisi (Fayard), 2010