
Plus de 40 millions d’exemplaires du premier opus ont été vendus dans le monde en six mois seulement, c’est à dire presque la moitié du score du Da Vinci Code, et près de dix pour cents des ventes de la saga Harry Potter depuis la sortie du premier tome : avant même sa parution en France, 50 nuances de Grey (50 shades of Grey en VO) fait parler de lui. Enquête sur un phénomène éditorial historique.
Elle ne pensait à rien de précis, E.L. James, cette productrice télé rangée des voitures, quand elle a commencé à écrire l’histoire dont on parle dans tout le monde occidental. Cette fan de Twilight voulait juste s’amuser et raconter épisode par épisode, cette histoire mêlée de fantasmes sur un site de fanfiction des livres de Stephenie Meyer. Et elle n’est pas allée chercher son sujet bien loin : une jeune Américaine de 21 ans, encore vierge car il y en a, tombe éperdument amoureuse d’un homme beau, riche, ténébreux de 27 ans. Elle fait des études de lettres, lui des affaires, mais ces détails entrent peu en ligne de compte de ce roman dont les moments forts se concentrent dans un lit… ou dans la « chambre de la Douleur » du milliardaire adepte de SM. Elle veut le changer et y arrivera… peut-être. Mais il faudra attendre la fin du troisième tome, publié le 13 février 2013 pour le savoir. Tout cela vous rappelle quelque chose ? Les fameux romans Harlequin, que des centaines de milliers de femmes lisent discrètement depuis plus trente ans. « Nous aurions pu publier ce roman, reconnaît Karine Lanini, directrice éditoriale déléguée chez les éditions Harlequin. C’est en effet le schéma classique de l’amour avec obstacle ». Un schéma qui ravit un lectorat bien moins retraité qu’on le dit, puisque la moitié des lectrices Harlequin ont entre 25 et 50 ans, et qui cartonne puisque les 3,5 millions de lectrices dédiées en achètent un toutes les trois secondes en France, en format numérique ou papier.
« Mummy Porn Lit »
Derrière le mépris de la formule de « littérature porno pour mères de famille », émerge un genre pas tout à fait érotique, pas tout à fait romantique. Un entre-deux qui ne fait peur à personne et permet les fantasmes sans grand risque. « Je ne suis pas d’accord avec ce nom, souligne cependant Isabelle Laffont, éditrice du livre et directrice des éditions Lattès. Le roman s’adresse essentiellement aux trentenaires et s’avère très « soft » côté érotisme ». Les détracteurs du livre stigmatisent pourtant son aspect sexuel et le style rudimentaire de l’auteur. A la lecture, on constatera que le potentiel du roman est assez réduit en matière de SM et les émotions de l’héroïne peu réalistes : « Il n’y a rien de la culture SM dans ce roman », confirme Denyse Beaulieu, la traductrice, qui a une vue d’ensemble, ayant traduit le premier tome et planchant actuellement sur le troisième et dernier.
« Je crois en ce livre, car c’est une histoire d’amour, certes un peu épicée, mais surtout une lecture qui n’est pas sinistre et qui montre qu’on peut s’éclater en lisant une belle romance », explique Isabelle Laffont. « Il n’y a pas de méchants dans ce livre, c’est un conte de fée, enchérit Denyse Beaulieu. C’est le modèle Jane Eyre de la jeune fille méritante qui ne connaît pas sa beauté et tombe amoureuse d’un ténébreux qui protège un secret douloureux ». Denyse Beaulieu a accompli un gros travail de transposition dans la langue française, en élaguant nombre de redites et de grossièretés. « Une étudiante en lettres de 21 ans en France n’emploie pas un vocabulaire de charretier ». Le style est sans effet, assez plat, mais « l’auteur a su tirer parti de ses moyens qui sont ceux d’une non-professionnelle de la littérature, à travers notamment de nombreux dialogues », conclut la traductrice.
Un succès français ?
On peut le penser. Mais quel chemin parcouru par un texte paru d’abord sous forme de feuilleton ! C’est le bouche à oreille qui a fait le livre et qui continue de le promouvoir : l’éditrice américaine aurait découvert le roman à travers les conversations des mères de famille, les fameuses « mummy », à la sortie de l’école de ses enfants. En achetant les droits du livre en mars, la maison d’édition Lattès prévoyait d’installer 50 000 exemplaires du livre à la parution. Une mise en place de best-seller, sans traitement spécial. La sortie est prévue pour le 17 octobre, mais dès le mois de juin, le buzz prend de l’ampleur dans les médias et sur les forums d’internet. Le roman est même le premier livre acheté en pré-commande sur le site français d’Amazon pendant les deux mois qui précèdent sa sortie. Le phénomène dépassant tout plan média, la maison Lattès décide finalement une mise en place, non pas de 50 000 mais de 320 000 exemplaires dans les librairies de France. Trois jours après la mise en vente, 40 000 exemplaires étaient écoulés.
Au Canada déjà, des piles de livres « à la manière de » 50 nuances de Grey fleurissent déjà dans les librairies. Il est plus que probable qu’une vague déferle en France bientôt, ou que le public du livre redécouvre les collections Harlequin. « Les lectrices pourront continuer leur lecture chez nous, invite malicieusement Karine Lanini. La sortie de ce livre nous intéresse car elle parle de la fiction féminine, domaine dans lequel nous sommes experts. Nous allons communiquer sur nos collections érotiques qui sont de qualité et plus « épicées » que 50 nuances de Grey ». Un début…
Karine Papillaud
J'ai craqué 2 fois : la 1ere fois en l'achetant , pour essayer
La 2eme en arrêtant : c'est trop pénible :)
A mi chemin entre la collection Arlequin et l'ancien "Ici Paris "
Incompréhensible mais chacun ses goûts ...
Je rejoins Delphine je ne vois pas pourquoi un tel engouement ....
Je suis étonnée du succès de ce livre. C'est agréable, facile à lire mais pas véritablement d'histoire, c'est l'image que j'ai des romans que l'on appelle "les arlequins"... Pas passionnant !