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"Transgressions" de Vaiju Naravane - la chronique #26 du Club des Explorateurs

"Transgressions" de Vaiju Naravane - la chronique #26 du Club des Explorateurs

Lancé en janvier 2015, le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire en avant-première un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue.

Cette semaine, Véronique a choisi Sophie pour partager sa lecture et son avis sur le livre Transgressions de Vaiju Naravane (Seuil).

 

L'avis de Véronique

Qu’est ce qui a poussé Kranti, une élégante dessinatrice de mode, à mettre soigneusement en scène son suicide dans un luxueux appartement parisien ? C’est ce mystère que va tenter de découvrir l’amant et légataire de la jolie quinquagénaire d’origine indienne, au travers de carnets de dessins et de textes qu’elle remplissait secrètement dans le cadre d’une psychanalyse entamée quelques années auparavant.

De transgressions, il en est question à chaque étape du récit qui nous entraîne en spirale au plus profond des souvenirs de l’enfance et de l’adolescence de Kranti, à la recherche de la clé de son énigme personnelle et dans les méandres les plus sombres de l’âme humaine : fractures avec la culture, la religion, la famille, la tradition, adultère, perversion, escroquerie, inceste… c’est une véritable plongée dans le sordide qui attend le lecteur, jusqu’à la nausée.

Le personnage de Kranti (dont le prénom signifie "Révolution") s’est libérée de la tradition de la femme indienne soumise mais peut-on rompre définitivement avec les fantômes du passé ?

En regardant la photo de Vaiju Naravane souriant gentiment sur la jaquette du roman, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur les raisons qui l’ont amenée à nous livrer un roman aussi dérangeant.

Véronique Desamoury

 

L'avis de Sophie

Drôle de livre que ce Transgressions, l’auteure qui semble avoir plus ou moins le même âge que son personnage principal signe ici son premier roman et je me demande, comme toujours, quelle est la part d’autobiographie dans cette histoire. Une histoire qui se déroule entre l’Inde des années cinquante, soixante et le Paris d’aujourd’hui.

Kranti, la cinquantaine, indienne divorcée d’un riche comte, Guillaume de Lorel, et dont la vie semble une réussite, se donne la mort sans raison dans son vaste appartement haussmannien. Son amant, Robert Pierre, psychiatre renommé et marié avec une autre, héritera de toute sa fortune et aussi de ses carnets intimes. Ils sont deux, un rouge et un noir, déroulant les années d’enfance de Kranti en Inde jusqu’au début de sa majorité, abordant et racontant sans détour les plus noirs aspects de son enfance et adolescence, qui furent une lente descente en enfer au fur et à mesure que s’éloignaient les rivages colorés de ses premières années, passant des fleurs multicolores du jardin familial où les deux soeurs s’amusaient, au bassin trouble où pourrissent les herbes comme les plus sombres secrets. La vie de la petite fille et de sa soeur aînée Shanti basculent le jour où l’assistant du père tue le serpent à deux têtes, le "doo moha" qui porte malheur. Le père, homme d’affaires volage, cède alors de plus en plus à ses pulsions sexuelles et à son goût de la boisson alors que la mère tombe mystérieusement malade sans que personne ne s’en émeuve vraiment.

Début d’un long et terrible martyr pour la mère et la fille, entraînées dans les remous d’un fleuve de boue comme celui qui déborde de son lit dans la ville où ils venaient de déménager. Le récit bien mené, entre thriller psychologique et peinture d’une enfance en Inde, est fait de va-et-vient entre les carnets narrant l’enfance et le présent où les proches de Kranti, sa voisine, des policiers, son amant vivent dans son souvenir et enquêtent, se posent des questions sur le vrai visage de cette femme. J’ai aimé dans ce livre la fluidité de l’histoire, l’habileté de la construction, certaines images très fortes, l’atmosphère des scènes d’enfance qui m’ont fait un peu penser à celle du film Cria Cuervos, mais aussi la description d’une Inde étouffante et contrasté où les castes, le rang et les traditions interdisent tout épanouissement individuel, comme Ayi la mère de l’héroïne croyante et artiste qui voulait être danseuse, et dont le mari tyrannique balaye et moque violemment toutes les aspirations.

Le séjour de la soeur débarquée d’Inde dans l’appartement de Kranti, dans lequel habite Robert Pierre l’amant, venue pour réclamer les cendres de sa cadette et une part de l’héritage est bien croqué, plutôt drôle et bien vu. Un choc de culture qui ne tourne à la faveur ni de la soeur dure, agressive et perdue, ni de l’amant muré dans son égoïsme et ses convictions étriquées de bourgeois aisé. Je trouve beaucoup moins réussis certains passages assez répétitifs ayant trait au corps, pauvre de style et peu subtils comme les accès de sueur qui affectent souvent les personnages ou certaines scènes sexuelles. Est-ce que c’est un parti pris, une maladresse ?

Je trouve également dommage que les personnages du père et de la mère, leur enfance, leur rencontre ne soient pas plus approfondis. Mais il y a la dernière scène qui clôt le livre sur une très belle image, celle d’un frêle esquif en bois lancé sur la Seine vers le soleil couchant qui réconcilie et lie l’Inde et l’Occident, le passé et le présent, un espoir après un océan de noirceur, le début du pardon et de l’apaisement que cherchait l’héroïne au bout de sa nuit.

Sofi C

 

Merci à Véronique et Sophie pour ces chroniques passionnantes !

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