
Un énième roman social à la Ken Loach ? Sûrement pas. Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman (ed. Philippe Rey) est un vrai coup de poing littéraire signé par l’écossaise Kerry Hudson.
C’est un premier roman, mais on ne va pas en faire tout un plat : quand la langue est aussi tenue, subtile et volontaire, peu importe le parcours de l’auteur. Kerry Hudson fait désormais partie de ces écrivains dont on attendra la sortie des prochains romans. Dans Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman (ed. Philippe Rey), elle raconte la naissance jusqu’à l’orée de l’âge adulte d’une petite fille, Janie Ryan.
Son milieu est celui des HLM quand tout se passe bien, des centres d’accueil, des aides sociales, de l’alcool, de la violence et de la drogue, un peu, aux côtés d’une mère bien trop occupée à survivre ou baisser les bras pour être parfaite. La vie de Janie promet d’être âpre dans une société vérolée par le chômage, du côté de ceux qui, on le sait, ne passeront jamais de l’autre côté de la frontière de la pauvreté.
Et pourtant, Kerry Hudson raconte une belle histoire, celle d’une petite fleur de bitume, jamais dupe, grandie trop vite mais capable de presser les petites joies de toutes les situations. Il n’y a aucune complaisance ni amertume dans cette histoire apparemment inspirée de la vie de l’auteur, mais au contraire beaucoup d’humour et une immense générosité. Un style proche de celui de la confidence, lâché juste ce qu’il faut pour se donner l’impression de regarder les choses derrière l’épaule de Janie. Et une maîtrise narrative épatante.
Karine Papillaud
Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, Kerry Hudson, ed. Philippe Rey, (2014)