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Sphinx de Christine Falkenland

Je vous écris pour vous dire…

Sphinx de Christine Falkenland

Née en 1967 à Örgryte, la poète et romancière suédoise Christine Falkenland construit, au fil d'une vingtaine de titres déjà parus en Suède, une œuvre particulière très introspective. Cinq de ses titres ont été traduits en français, dont Sphinx, son dernier opus.


Elle, artiste-peintre au succès très confidentiel, a été quittée par Felix et vit avec Ma, son adorable petite fille qu'elle a eue avec John, lui aussi parti.
Artiste maudite et incomprise, elle vivote quand elle apprend le remariage de Felix avec Claire, une belle et riche suédoise avec laquelle il a eu un petit garçon, Adam. Un bonheur sans nuages, presque mièvre : un joli couple dans un joli quartier, dans un jolie maison, jolis parents d'un joli petit garçon.

Il n'en fallait pas plus à "la première épouse" qui, s'étranglant de jalousie, entame une correspondance à l'intention de Claire, prétendant lui expliquer qui est son mari, ce qu'il fut pour elle et ce qu'ils vécurent. Elle qui l'a connu jeune.

Une correspondance inquiétante qu'elle distille régulièrement et dans laquelle elle raconte son obsession grandissante : "Ne sois pas effrayée ni choquée que je sache comment vous êtes installés dans votre maison. On peut regarder à l'intérieur, quand il fait gris, une fois que vous êtes partis vaquer à vos occupations."


Peu à peu les lettres se font plus menaçantes et elle rôde autour de leur maison, allant même jusqu'à y pénétrer en leur absence, pour sentir leur intimité et la pénétrer. Jalousie, colère, elle se souvient de ce garçon qu'elle portait et que Félix n'a pas voulu.

Au fil de cet inquiétant monologue épistolaire, elle s'enhardit. Le soir de la Toussaint, elle envoie Ma sonner à la porte de la maison de Claire et Félix pour réclamer des bonbons, qu'Adam lui donne ; un autre jour elle entre dans leur chalet de vacances "Je ne sais pas si tu as remarqué que j'avais pris un petit flacon d'un parfum sûrement coûteux quand je suis allée dans votre chalet d'été."
Ce voyage dans la douleur qu'exacerbe la jalousie est un lent crescendo vers l'irréparable raconté dans une subtile alchimie où la poésie répond à la verdeur des mots et des actes. Comme des respirations qui ponctuent une lancinante folie que le lecteur observe inquiet et presque complice.

Les lettres sont-elles postées, Claire les lit-elles ? Sont-elles l'outil d'une Némésis ou juste un exutoire, comme un journal intime ? L'auteure n'en dit rien et a la délicatesse de nous emmener loin, tout en nous laissant à la porte d'un imaginaire qui écrit la suite.

Agathe Bozon

Sphinx de Christine Falkenland, Actes Sud, (2014)

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