
Avec l’humour qui le caractérise, l’auteur de bande dessinée à succès poursuit le récit de sa prime jeunesse entre le Moyen-Orient et la France. Le deuxième tome vient de sortir, mêlant avec tendresse histoire intime et satire politique.
Publié le 11 juin, le roman graphique est déjà en tête des ventes tous genres confondus.
Même lorsqu’il raconte les coups de règles qui labourent les mains des enfants récalcitrants à l’école, Riad Sattouf parvient à faire rire son lecteur. Sa façon de croquer son institutrice syrienne, monolithique et voilée, est irrésistible. D’une grande douceur lorsqu’elle parle aux gamins, le visage de cette enseignante impitoyable revêt le masque de « la haine pure » lorsqu’elle décide de punir un élève qui a oublié son « béret patriotique » à la maison. Une scène-type du deuxième tome de « L'Arabe du futur ».
Gamin de six ans aux bouclettes blondes, le petit Riad essaye dans ces pages de trouver sa place dans la Syrie de Hafez Al-Assad. Celle des années 80, époque du panarabisme triomphant, un concept que les enfants ânonnent à l’école, entre deux hymnes révolutionnaires.
Des portraits très réalistes
Né d’un père arabe et d’une mère française, le héros fait l’aller-retour entre le nord de la France et la Syrie. Comme les lecteurs du premier tome le savent, c’est l’occasion d’un sacré choc culturel, riche en épisodes cocasses et drolatiques. De retour au Moyen-Orient, l’auteur partage, sans fausse pudeur, des souvenirs intimes, à l’image de son rapport avec sa grand-mère « à l'odeur de sueur qui rassure ». Sincère, le dessinateur ne se cache pas derrière un pseudonyme et raconte sans fard les grands moments et les petits travers de sa famille aux origines rurales. Un général louche et des femmes tiraillées entre tradition et modernité complètent une galerie de portraits très réalistes.
La Syrie avant la guerre
Ce va-et-vient permanent entre profondeur, universalité de l’intrigue et humour potache constitue la marque de fabrique du dessinateur-cinéaste. Connu pour sa série « Pascal Brutal », publiée chez « Fluide glacial », ou encore pour les strips de « La Vie secrète des jeunes » dans « Charlie Hebdo », l’homme est un artiste protéiforme. On lui doit ainsi « Les Beaux gosses », film doux-amer sur des adolescents boutonneux et « Jacky au royaume des filles », fable burlesque sur un régime totalitaire… féminin. Après ce détour cinématographique, sa dernière production en bande dessinée était très attendue, notamment suite au succès du premier « Arabe du futur » (Fauve d’or à Angoulême, en 2014). Dans ces nouvelles pages, la tendresse se double d’un regard acéré sur une Syrie plongée dans la guerre. Lors d’une scène très émouvante, l’enfant ramasse des débris archéologiques sur le site de Palmyre, aujourd’hui sous le contrôle de l’organisation terroriste Daech. Comme un sombre retour à la réalité.
Damien Ramey
Une suite effectivement très attendue après le magnifique tome 1, primé à Angoulême. Un humour doux-amer distillé avec subtilité et respect.