
Entre roman et histoire, à l’époque où Napoléon fait encore trembler l’Angleterre, l’auteure de La Jeune fille et la perle dresse le portrait de la condition féminine à travers l’amitié de cette gamine de la côte du Dorset avec une vieille fille trentenaire de Londres.
L’histoire de Prodigieuses créatures (ed de la Table Ronde) s’appuie sur des faits historiquement avérés, et c’est saisissant : comment Tracy Chevalier a-t-elle eu l’idée de raconter la vie de Mary Anning, une petite fille pauvre du début du XIXe siècle anglais, devenue l’une des spécialistes des fossiles en Europe, saluée par Cuvier lui-même ?
A l’époque, les femmes n’ont alors que peu de consistance sociale. Seules, peut être, les célibataires au caractère bien trempé parviennent à vivre la vie qu’elle souhaitent mener. C’est le cas d’Elizabeth Philpot, retirée de Londres avec ses deux sœurs dans une petite maison de Lyme. Dans cette petite ville côtière, elle fait la connaissance de Mary, une petite fille qui partage sa passion pour les fossiles, les « curios » comme on les appelle au village, qu’elle débusque pour les vendre, et nourrir sa famille.
Jusqu’au jour qui va changer sa vie, où elle trouve un fossile gigantesque, qui pourrait être celui du « monstre », une sorte de crocodile préhistorique. Dans une histoire qui rappelle les romans de Jane Austen, Tracy Chevalier saisit ce moment de l’histoire où la science s’éveille, préparant l’arrivée des théories darwiniennes, dans une époque où les textes bibliques ont encore valeur de vérité. Une belle histoire de femmes intelligentes.
KP
Prodigieuses créatures, Tracy Chevalier, (La Table Ronde), 2010