Nous voilà à quelques kilomètres de Dublin, dans une maison de vacances érigée pendant les heures glorieuses de la croissance galopante irlandaise, et nichée au cœur d’un quartier en construction, mais comme laissé en plan, symbole des conséquences de la crise financière de 2008…
Un lieu idéal pour installer l'action de ce thriller tendu signé par l’Américaine Tana French. Ce quatrième volume prolonge la série de récits autour de la section criminelle dublinoise, initié par son formidable La Mort dans les bois (« In the Woods », publié en 2007).
A l'intérieur de ce lotissement fantôme, le détective Mick Kennedy, le vétéran désabusé de la « Dublin Murder Squad » découvre une famille décimée, les Spain : deux enfants asphyxiés, les parents poignardés, la mère entre la vie et la mort. La bonne idée de Tana French pour essayer de réellement « incarner à l'écrit » ses personnages ? Doubler l'enquête ambiguë (« S'agit-il d'un suicide collectif d'une famille accablée par les dettes ou un meurtre sordide ? ») avec l'exploration des angoisses du sergent Kennedy, victime d'un drame, au même endroit, plusieurs années plus tôt, quand ce village du littoral accueillait les caravanes d'ouvriers en vacances.
De la même manière que l'auteur islandais Arnaldur Indridason nourrit les enquêtes d'Erlendur, son personnage fétiche, avec les souvenirs d'une tragédie d'enfance, Tana French s'affranchit des règles du thriller traditionnel pour mieux explorer la psychologie de ses personnages. En filigrane, bien sûr, l'auteur n'en oublie pas moins de décrire les bouleversements économiques qui ont rogné les griffes du Tigre celtique. De quoi consolider un peu plus son statut de nouvelle reine du polar, alors que ses deux premiers romans, La Mort dans les bois et Comme deux gouttes d'eau, vont être prochainement adaptés sur grand écran.
La Maison des absents, Tana French, éd. Calmann Lévy, (2013)
TanaFrench© Kyran O’Brien
