
Quand tant de plumes habiles s’abîment parfois dans les affres de l’autofiction, Salim Bachi aime plutôt se glisser dans la peau de ses personnages, ou plutôt des personnalités, réelles ou fictives, qu’il met en scène dans ses ouvrages. Déjà, dans « Le Chien d’Ulysse », paru en 2001 et qui lui valut le Goncourt du premier roman, l’écrivain né à Alger en 1971 imaginait l’odyssée impossible d’un Ulysse oranais dans une Algérie fantasmée...
Neuf ans plus tard, il poursuivait ce retour aux grands mythes littéraires en inventant un Sindbad le Marin moderne (« Amours et aventures de Sinbad le Marin », 2010), louvoyant dans les dangers de la Méditerranée d’aujourd’hui, défigurée par la violence, le terrorisme ou la corruption. Mais plus encore que les héros fondateurs, ce sont bien dans les grandes figures de l’histoire que Salim Bachi aime à s’immiscer, lui qui revisita tour à tour la vie du premier prophète de l’Islam (« Le Silence de l’Islam », 2008), les tourments d’Albert Camus (« Le dernier été d’un jeune homme », 2013) ou le parcours mental du terroriste Khaled Kelkal (Moi, Khaled Kelkal, 2012) – un exercice qu’il reproduisit cette année là dans « Le Monde Littéraire », dans la concordance dramatique de l’actualité et de son œuvre, en s’introduisant dans le schéma mental de Mohamed Merah...
À chaque fois, l’ancien étudiant de la Sorbonne, désormais installé pour de bon à Paris et couvé jalousement par Gallimard, y déploie une langue très personnelle, aussi exubérante qu’épanouie. Dans son tout récent ouvrage, « Le Consul », première surprise littéraire de 2015, il met son style virevoltant au service d’une histoire vraie : celle du « Juste » Aristides de Sousa Mendes. Consul du Portugal à Bordeaux pendant la débâcle de juin 1940, contre l’avis de son propre gouvernement, il distribua à tour de bras des visas à toute personne cherchant à quitter le pays. Il permit ainsi à des milliers de personnes, sans distinction d’origine, de Salvador Dali au général Leclerc, d’échapper à l’occupation et à la déportation.
Timothée Barrière
Salim Bachi © Catherine Hélie / Gallimard
J'ai adoré "Le dernier été d'un jeune homme" lu dans le cadre des chroniqueurs de la rentrée. J'ai horreur de Camus et portant le roman de Bachi m'a passionnée.
Dans Le Consul, on découvre l'univers d'un écrivain, tissé par des références à l'Odyssée, à Hugo, à la fresque de Giotto à Santa Croce... Le récit de l'épisode historique et le portrait du consul sont prétexte à une méditation sur l'attitude de l'homme face au mal et la responsabilité individuelle face au destin collectif. Il faut aller au-delà de l'anecdotique et se laisser entraîner par la profondeur romanesque.
Je le note. Je ne connais pas encore cet auteur et je suis très tentée