
Tout le monde connaît Françoise Bourdin, sans forcément le savoir. Son parcours d’écrivain est métissé de scénarios et d’adaptations télévisées dont les plus connus sont sans doute Terre Indigo et Un été de canicule. Si sa trentaine de romans sont en général sortis dans l’indifférence de la presse parisienne, Françoise Bourdin est néanmoins l’un des très rares écrivains à pouvoir se vanter d’écouler réellement chacun de ses livres à 300 000 exemplaires.
Mais elle ne se vante pas. Pas le genre de cette ancienne jockey discrète, qui goûte une vie paisible et joyeuse dans sa maison de Normandie. Une vie calme qui tranche avec sa jeunesse de fille de saltimbanque, passée auprès de parents chanteurs lyriques et passionnés.
Des débuts à la Sagan
Cette petite femme fine de 59 ans a commencé à écrire à 20 ans, avec un premier roman Soleils mouillés, paru chez Julliard. Le livre connaît le succès, et l’aventure de cette auteure en herbe rappelle celle d’une autre Françoise qui écrivait Bonjour tristesse 18 ans plus tôt : même âge, même éditeur, même mèche. Mais Françoise Bourdin s’arrête d’un coup, après la publication de son deuxième roman, De vagues herbes hautes. Un roman que Josée Dayan choisit pourtant pour devenir le premier téléfilm qu’elle réalisera, avec Laurent Terzieff dans le rôle principal. Le silence de l’écrivain dure vingt ans. Qu’a-t-elle fait durant tout ce temps ? Elle a vécu, s‘est mariée, a fait deux filles dont elle est fière. Elle a écrit aussi, comment s’arrêter quand on a commencé toute petite, mais n’a rien publié.
C’est à 40 ans qu’elle fait pour de bon son entrée en littérature. « Mais personne ne m’avait attendue, il a fallu refaire mes preuves, se souvient Françoise Bourdin. Ce sera en 1991 avec d’abord Sang et or, ensuite Mano à Mano, la même année, que Victor Lanoux adaptera. Deux livres par an en moyenne, une cuvée de printemps et une cuvée d’automne : en tout, et c’est loin d’être fini, une trentaine de romans jusqu’à cette année avec Dans les pas d’Ariane qui boucle l’histoire entamée par Le Testament d’Ariane, puis Serment d’Automne et la réédition de BM Blues en octobre chez son fidèle éditeur Belfond. « J’avais écrit BM Blues en 1993, le livre était passé quasiment inaperçu et avait été rapidement introuvable. De nombreux lecteurs me demandaient sa republication ». Le roman raconte comment un jeune fils de famille, traumatisé par la mort de sa sœur, tentera de redonner du sens à sa vie en travaillant pour un homme bourru et socialement complexé. Le livre est comme un huis clos entre deux tempéraments apparemment désaccordés qui n’ont pour point commun qu’une voiture, la BMW que le jeune homme doit conduire pour son employeur.
Une romancière inclassable
Les livres de Françoise Bourdin s’inscrivent chacun dans une région, dans ses us, sa langue, son atmosphère, et pourtant ce ne sont pas des romans de terroir. Ils parlent souvent d’amour, mais on ne peut pas les qualifier d’« à l’eau de rose ». Difficile alors pour la critique d’étiqueter Françoise Bourdin. Alors elle laisse souvent tomber l’auteure qui a appris à se passer de la presse. En a-t-elle seulement besoin ? Ses lectrices sont fidèles, rajeunissent et s’enrichissent de lecteurs plus mâles qui s’adonnent volontiers à ses histoires selon les thèmes. Françoise Bourdin a déjà vendu 7,5 millions de livres en France, tout en étant traduite en onze langues. En 2011, elle faisait partie des dix auteurs les plus vendus dans l’Hexagone. Un succès qu’elle accueille mais dont elle se protège aussi derrière les murs de sa belle longère normande, ou en partant en virée dans les régions qui feront les décors de ses prochains romans.
Karine Papillaud