
« Quand je trace le mot « harmonie », je rentre dans l’harmonie », écrit François Cheng dans son ouvrage de calligraphie chinoise, « Et le souffle devient signe », réédité treize ans après sa première parution. Le « poète-romancier-essayiste », selon la formule qui lui est régulièrement attribuée, reconnaît calligraphier tous les matins pour « plonger en soi, se mettre en quête de vérité et de beauté […] ces créations dessinent en quelque sorte le portrait de mon âme. ».
Cette introspection spirituelle, l’Académicien, siège 34 chez les Immortels, nourrit chez lui une production littéraire toujours plus abondante – près de quatre ouvrages en un an, de méditations poétiques et « autobio-graphiques ».
L’an dernier, il publiait ainsi ses « cinq méditations sur la mort », réflexions optimistes sur la fin de vie, sujet d’étonnement perpétuel pour l’écrivain de 85 ans dont la santé fragile lui a toujours fait croire qu’il quitterait la vie précocement. Une occasion pour lui de rappeler qu’il fait partie de « ceux qui se situent résolument dans l’ordre de la vie ».
Difficile de ne pas le contredire, lui qui est né en Chine en 1929, a débarqué à Paris en 1949, a étudié le français dans le plus grand dénuement pour devenir un écrivain francophone, compagnon de route de Barthes et Lacan…
L’une des transitions les plus importantes de sa vie d’auteur fut justement l’adoption d’un prénom européen, « François », quelque temps après une grande période de découragement. Ce choix lourd de sens, celui que ses parents avaient baptisé Cheng Baoyi l’a effectué lors d’un voyage d’étude dans la ville d’Assise, en Italie, émerveillé par sa proximité insoupçonnée avec l’un des plus grands saints de l’église catholique. C’est justement tout le rapport intime qu’il entretient avec Saint François d’Assise qu’il décrit dans son tout dernier ouvrage, « Assise, une rencontre inattendue », paru parallèlement à un livre de poésie illustrée, lui-même en partie autobiographique, « Quand les âmes se font chant ». Deux livres dans lesquels l’ancien exilé chinois devenu « passeur de culture » entre Occident et Orient y dévoile un peu plus… la quête de l’harmonie.
Timothée Barrière