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Patrick Modiano, Prix Nobel de littérature 2014

Patrick Modiano, Prix Nobel de littérature 2014

« J’ai toujours eu l’impression d’écrire le même livre », a dit, en substance, Patrick Modiano en apprenant qu’il venait d’être érigé Prix Nobel de littérature, le jeudi 9 octobre 2014. Comme pour s’excuser d’une nouvelle qu’il a trouvée « bizarre ».

Bizarre n’est peut-être pas son mot préféré mais c’est le premier qui vient à l’esprit quand on évoque son œuvre, avec ceux de « Paris », « brumes », « insaisissable » et « mémoire ». Il a raison, Patrick Modiano, il écrit le même livre depuis 45 ans : de La Place de l’étoile, son premier roman, à Un pedigreeLa Petite Bijou et Dora BruderDe si braves garçons ou Des inconnues, pour finir  Dans le café de la jeunesse perdue à palabrer sur L’Herbe des nuits ? 

En rassemblant tous ces titres, on pourrait déjà raconter une histoire. On y ajoutera ce Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier (Gallimard), son 28e roman qui vient d’être publié début octobre et qui faisait l’unanimité du public avant celle des Sages d’Oslo.

 

Dans ce livre, Jean Daragane, un écrivain célèbre qui ressemble à Modiano, est contacté par un inconnu. Ce dernier dit avoir retrouvé son répertoire téléphonique au buffet de la gare de Lyon quelques semaines auparavant, et se propose de le lui rendre. Alors même que le narrateur ne s‘est pas aperçu de cette perte, en vrai misanthrope satisfait d’avoir pris de la distance avec le monde, il accepte le rendez-vous auquel se joint une femme étrange et brune. Commence alors une sorte de roman noir nimbé des brumes parisiennes qui sont tout autant celles de sa mémoire. A la faveur du patronyme d‘un homme qu’il a connu 45 ans auparavant, et d’un réseau de coïncidences, voici l’écrivain contraint de replonger dans un passé qu’il avait parfaitement réussi à oublier.

Le roman noir glisse vers l’accouchement lent et parcellaire de réminiscences. La menace affleure, reflue progressivement du présent et de ces inconnus dont on ne saura jamais ce qu’ils veulent à l’écrivain. C’est entre les voiles mouvantes de ses souvenirs qu’elle prend place et enfle. Le passé conquiert et envahit le présent de l’écrivain. Patrick Modiano a placé son texte sous l’égide de Stendhal à travers cette citation : « Je ne puis pas donner la réalité des faits, je n’en puis présenter que l’ombre ». D’un livre à l’autre, le lecteur de Modiano retrouve cette présence familière, cet art de l’évanouissement, ce bouleversement mémoriel, et cet insaisissable qui, plus qu’un style, est l’objet même de son œuvre.
 
Karine Papillaud

 

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