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Opération Sweet Tooth de Ian McEwan

Espionnage, mensonges et littérature

Opération Sweet Tooth de Ian McEwan

Concis et gentiment provocateur, Ian McEwan ne fait pas perdre son temps au lecteur. Dès le premier paragraphe d’« Opération Sweet Tooth », il pose les bases de son histoire : quarante ans plus tôt, l’héroïne Serena Frome a été envoyée en mission par les services secrets britanniques, et ça ne s’est pas très bien terminé. Plongée immédiate dans l’Angleterre du début des années 1970, perturbée par la Guerre Froide, la crise économique naissante, les débuts de l’IRA et même l’émergence du terrorisme palestinien.

 

 

 

 

 

Serena Frome, qui s’est découvert un certain dégoût du communisme à la lecture de « L’Archipel du Goulag », se voit recrutée par le MI5, avec un petit cours de patriotisme churchillien au passage, pour organiser une forme de propagande légère à destination de l’intelligentsia britannique, trop bienveillante à l’égard de l’URSS.

Le but de l’opération Sweet Tooth ? Soutenir discrètement, sans même qu’ils s’en aperçoivent, sous le couvert d’une vague institution culturelle, les écrivains plutôt rétifs à la lecture de Karl Marx, via notamment l’écriture de romans dystopiques typiquement orwelliens. C’est là que l’ouvrage prend toute son ampleur avec l’apparition du jeune Tom Haley, sorte d’alter ego de McEwan jeune – l’intéressé n’a d’ailleurs pas démenti, à la sortie du livre en Grande-Bretagne l’an dernier, l’idée d’une autobiographie fantasmée.

Avec « Expiation », en 2001, dont a été tiré le film « Reviens-moi », le romancier de 65 ans s’interrogeait sur le pouvoir de manipulation des écrivains. Le voilà maintenant qui prend le problème sous un autre angle s’intéressant aux relations entre le monde de la littérature et celui du pouvoir, avec toute la fantaisie que permettent les codes du roman d’espionnage : les retournements de situation et l’utilisation de faux-semblants s’avèrent aussi fréquents que plaisants, même si la conclusion se révèle plutôt prévisible au lecteur attentif, défaut qu’il partage paradoxalement avec la dernière mouture de John le Carré (« Une vérité si délicate »).

Opération Sweet Tooth, Ian McEwan, éd. Gallimard, (2014)

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