
Dans son premier roman publié en janvier 2012, Un garçon sans séduction (Julliard), l’histoire d’un homme quitté par sa compagne, Christophe Mouton se livrait à une auscultation culturo-scientifique de la rupture avec talent et causticité.
Notre mariage (Julliard), son deuxième roman, n’a rien d’une suite heureuse et plonge d’emblée le lecteur dans un contresens habile : l’histoire s’ouvre en effet sur un mariage, mais le narrateur-héros du livre n’est qu’un des invités.
Le narrateur de Notre mariage (Julliard) vient en effet constater par ses yeux que celle qu’il a aimée pendant dix ans d’un amour alternatif et compliqué, lui a une fois pour toutes échappé. Plus d’espoir, plus de retour en arrière, plus de cendres à rallumer : son grand amour se marie, l’histoire est terminée. A travers le récit de la cérémonie, l’autopsie de son histoire, et une introspection aussi troublante que lucide, la figure du narrateur se dessine en fragilités pleines de morgue.
« Le couple, c’est nul », voici son credo depuis la fac, partagé par une bande de copains à la jeunesse fougueuse, urbaine et un brin arrogante : « A deux, les gens deviennent stupides, ennuyeux, égoïstes, comme les autres et s’habillent moins bien ». Oui mais voilà, la trentaine arrive et, instinct ou sagesse, ses amis ont peu à peu cédé aux sirènes de femmes qui ne sont pas motivées par le désir de couper les ailes de leur partenaire, mais par celui de composer à deux une vie douce, si possible épanouissante. Le narrateur, lui, reste accroché à son slogan et en médite le constat.
Christophe Mouton raconte quelque chose comme l’ultramoderne solitude du fêtard qui n’arrive pas à franchir le cap de l’adolescence. Notre mariage, c’est l’histoire d’un amour qui a existé avant d’avorter, celle d’un trentenaire aux prises avec la question de son désir, de ses peurs et ses envies. Dans ce genre, une voix s’imposait, celle de Frédéric Beigbeder. Désormais, Christophe Mouton et sa langue nonchalante, exigeante, à la dérision obstinée, devient l’incontournable interprète d’un spleen contemporain, et de la dilution du désir dans la modernité.
Karine Papillaud
Notre mariage, Christophe Mouton, Julliard, (2013)