
Comme son nom l’indique, le Prix de l’Inaperçu récompense depuis 2008 un ouvrage ignoré par la critique. Une démarche originale et pertinente, expliquée par Nils Ahl, un des fondateurs du concept.
Pourquoi avoir créé cette récompense ?
C’est une histoire de hasard et de rencontres, comme souvent. Il s’avère que Benjamin Fau, Stéphane Rose et moi-même (les trois fondateurs, ndlr) travaillions au même endroit : l’Argus de la presse. Nous étions donc attentifs à ce qui se passait dans les médias. Stéphane venait de créer les « Gérard » et nous voulions faire un prix littéraire, qui ne soit pas seulement ironique, mais aussi utile et positif. Et nous sommes partis de ce lieu commun : « On parle toujours des mêmes livres ».
Quels sont les critères d’éligibilité ?
Un faible nombre de publications dans la presse et des ventes inférieures à 1 500 exemplaires.
Comment le jury est-il composé ?
Il y a des gens venus de l’univers du livre, des journalistes, mais aussi des profs et des gens qui n’ont rien à voir avec ce milieu. Les deux tiers des jurés sont renouvelés chaque année. Il s’agit d’un jury tournant, contrairement à la plupart des grands prix.
Quelle est la particularité des prix littéraires français ?
Ce système de jurys permanents sous forme d’académie, sur le modèle du Goncourt, c’est une spécialité française. Les prix français rencontrent plus d’écho qu’ailleurs. A l’étranger, ils sont mieux répartis sur l’année. Le nôtre est décerné au mois de mai. En France, les prix sont aussi en compétition entre eux. Cela n’existe pas vraiment ailleurs.
Sur une rentrée littéraire de 600 ou 700 livres, combien de romans sont visibles ?
Il y a environ 50 livres dont on parle. Et une centaine dont on parle un petit peu.
Comment expliquez-vous cet aspect moutonnier de la presse ?
Il y a beaucoup d’explications. Trop de livres et pas assez de journalistes. On regarde ce que font les autres, car on a peur de ne pas parler de ceux que les autres présentent. Il y a moins de pages dans les suppléments littéraires. Il existe aussi une césure très forte entre l’université et la presse critique. Et il n’y a plus vraiment de grandes revues littéraires largement diffusées.
Quelles sont les retombées pour les lauréats du Prix de l’Inaperçu ?
Certains titres ont connu un petit retour de flamme. Ce qui se traduit par quelques milliers d’exemplaires vendus en plus, des articles, des sorties en poche... Et la visibilité de l’auteur est nettement meilleure pour la suite.
Le but consiste-t-il aussi à récompenser les petits éditeurs ?
Oui, c’est une des motivations. Mais nos sélections sont équilibrées. On trouve également des ouvrages des grandes maisons. Certains de leurs petits auteurs restent eux aussi invisibles.
Parlez-nous du lauréat 2011…
Il s’agit de Stéphane Fière, pour son troisième livre, « Double bonheur » (éd. Métailié). Il a une œuvre cohérente, qui tourne autour de l’expatriation. Il fait très attention à sa langue, à son style, moqueur et tendre. Et il était passé inaperçu…
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Photo : Nils Ahl© Georges Seguin