
C’est l’un des rares livres de Jay McInerney encensé par la critique américaine et c’est surtout le premier recueil de nouvelles d’un écrivain rompu aux distances du roman. Moi tout craché (ed. de l’Olivier), rassemble des textes écrits entre 1982 et 2008.
Publiés dans la presse ou inédits, ils racontent vingt ans d’une société américaine « in progress » par séquences successives. On trouve d’abord le sex, drugs et rock&roll des eighties new yorkaises, jalonnées de mannequins et de héros nantis.
Cette époque, McInerney la connaît à la perfection pour l’avoir intensément vécue et beaucoup décrite : associé à Breat Easton Ellis, son ami, dont il partage les thèmes mais pas la violence textuelle, l’écrivain a éprouvé les plus grandes difficultés à se dépouiller de l’image véhiculée par son premier roman, Bright Lights, Big City écrit en 1984 et traduit en français sous le titre Journal d'un oiseau de nuit; la plupart des médias l’avaient assimilé à une autobiographie déguisée.
Si la plume reste électrique, drôle et mordante, et le style serré dans chacun de ces 16 microromans, le cap des années 2000, le 11 septembre, et tout simplement la maturité de l’auteur, ont assagi ses thèmes : les personnages, souvent récurrents d’une nouvelle à l’autre, sont désormais des adultes qui se contentent désormais de regarder leur couple se déliter.
McInerney ne se pose pas de questions existentielles. Le constat d’une société sans âme et d’une intimité sans but est radical et remarquablement servi ici par le format de la nouvelle. Un morceau de littérature intense, percutant, qui reste comme tatoué dans la cervelle du lecteur.
Karine Papillaud
Moi tout craché, Jay McInerney (ed. de l’Olivier), 2009