
Maître de conférence d'économie au département d'économie politique de Sienne, Stefano Bartolini étudie le capital social et s'est fait une spécialité de l'économie du bonheur et du bien-être subjectif. Une suite logique à la croisée de ses travaux de recherche sur la croissance, le développement, le travail, le bien-être, l'économie et l'environnement.
Manifeste pour le bonheur ou "Comment passer de la société du bien-avoir à la société du bien être" est une analyse de l'insatisfaction contemporaine. Très accessible, l'ouvrage de Stefano Bartolini interroge sur les raison d'un mal-être croissant. Pour répondre à cette question, l'auteur, pose sur l'économie un regard différent : faisant d'elle un facteur de bonheur, non par le bien-avoir qu'elle apporte, mais par le bien-être essentiel qu'elle procure en termes relationnels. Stéfano Bartolini part de l'observation de la société américaine dont il écrit "Les États-Unis représentent un cas extrême de paradoxe du bonheur (…) Pourquoi dans une société de plus en plus riche, les gens se sentent-ils de moins en moins bien ?" Le diagnostic est sans appel : la société de consommation est responsable de tous les maux ; pour autant Stefano Batolioni ne fait pas l'apologie de la décroissance.
S'adossant à de nombreuses études et notamment celles du General Social Survey et de Schor 2005, l'analyse montre que le développement des valeurs consuméristes des cinquante dernières années a été de pair avec l'augmentation de l'irritabilité, de l'angoisse, de la dépression, du taux de maladies cardio-vasculaires et des comportements conflictuels, faisant de l'homo-œconomicus un individu à l'éthique diminuée, à l'affect engourdi et à la générosité limitée.
Résumé en une phrase, le propos démontre que la consommation de bien marchands devient d'autant plus nécessaire que les biens libres (c'est-à-dire gratuits : comme les relations humaines, une promenade, un air non pollué…) se font de plus en plus rares. Il faut donc travailler plus pour consommer plus… et ce faisant, poursuivre chaque jour un peu plus la destruction de biens libres.
Complices et responsables : les médias, au premier rang desquels la publicité qui agit comme une lucarne déformatrice de la réalité montrant toujours des gens aisés. Les publicitaires ont d'ailleurs bien compris le fonctionnement humain, qui à travers la possession d'un objet vantent l'amour ou la sécurité qu'il procure et qui manquent tant. Consommer devient un substitut à l'amour. Et l'auteur constate : "Dans la réalité les produits n'aiment pas. Ils s'obstinent à ne pas manifester de sentiments et à nous décevoir comme substituts à l'amour".
Le consumérisme est donc générateur de frustration et les premières victimes sont les enfants surexposés aux médias, qui ont un rôle de formateur, au même titre, voire même plus que la famille ou l'école.
Des solutions ? Stéfano Bartolini propose différents axes : urbanisme, publicité, démocratie, organisation du travail… autant de solutions qu'il résume en disant "Si nous voulons plus de bien-être, nous devons construire une société finalisée en conséquence." Loin d'être une utopie, ce livre ouvre la voix d'une réflexion globale… et si nos politiques s'en inspiraient ?
Agathe Bozon
Manifeste pour le bonheur, Stefano Bartolini, ed. Les liens qui libèrent, (2013)