
Laissera-t-il son nom dans l’histoire des grands éditorialistes ou dans celle des grands écrivains ? D’une chronique à l’autre, d’un roman à l’autre, Patrick Besson laisse planer le mystère. Mais le fleuve tuera l’homme blanc fait pencher la balance en faveur d’une postérité romanesque bien méritée.
Dans Mais le fleuve tuera l’homme blanc, Patrick Besson immerge ses personnages principaux dans la République du Congo en 2007, plus précisément à Brazzaville et dans ses environs. Se côtoieront au rythme d’une valse obsédante le cadre sup d’une compagnie pétrolière, une ancienne espionne de la DGSE, un conseiller de chefs d’état africains, une Russe spécialisée dans l’import-export et son fils métis que l’auteur a baptisé Pouchkine. A la manière du Quatuor d’Alexandrie de Laurence Durrell mais resserré dans un même roman, les personnages deviennent chacun son tour narrateur de l’histoire.
En arrière-plan, la guerre entre Tutsis et Hutus constitue le fond politique et social de ce roman capiteux, enfiévré, rendu fluide par l’humour corrosif et paradoxal de l’auteur. Connu pour ses positions dans la guerre en Yougoslavie, Patrick Besson ne prend là aucun parti et s’abstient de tout jugement. Il a cependant étudié de près la question du génocide, connaît de près l’Afrique, et cette expertise doublée de neutralité est encore plus troublante qu’un livre à charge.
Auteur de plus de 50 livres, Patrick Besson a publié son premier roman en 1974, à l’âge de 17 ans, obtenu le Grand Prix de l’Académie française à l’âge de 29 ans, le Renaudot à 39 ans. Mais le fleuve tuera l’homme blanc est sans doute le plus accompli d’une œuvre déjà longue et bien récompensée. Il restera comme l’un des meilleurs romans de 2009.
Karine Papillaud
Mais le fleuve tuera l’homme blanc, Patrick Besson (Fayard), 2009