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Littérature des Antilles francophones : les trésors créoles

Les Caraïbes en toutes lettres

Littérature des Antilles francophones : les trésors créoles

Sous d’autres latitudes, autour de la mer des Caraïbes, la langue française résonne autrement. En témoignent les grandes œuvres de la littérature d’Haïti, de la Guadeloupe et de la Martinique. Petit voyage à travers leurs pages… 

 
 
 
« La langue française a la chance énorme d’avoir des territoires où on la réinvente, où on la nourrit, où on la dépasse… », confiait l’écrivain Erik Orsenna à L’Express, au sujet de la littérature haïtienne. Et l’académicien d’égrener le chapelet de ses chantres : Dany Laferrière, Alain Mabanckou, Frankétienne… Le chanteur Arthur H, qui a signé cette année avec le musicien Nicolas Repac « L’Or noir », un disque où résonnent les mots d’Aimé Césaire (Martinique), René Depestre (Haïti), Edouard Glissant (Martinique) ou James Noël (Haïti), parle même d’une « transmutation du français » lorsqu’il évoque cette poésie créole « alchimique ». Laquelle, à l’image de la musique noire américaine du XXe siècle, a su « fertiliser l’âme noire dans le monde blanc ».
 
Si la très riche littérature haïtienne se distingue de celle de la Guadeloupe et de la Martinique, ces dernières reflètent cependant la situation de carrefour de leurs territoires, à la croisée entre mondes européens, américains et africains. L’affirmation de cette identité, forcément métisse, se tisse à l’aune de l’histoire, aux réflexions de ses penseurs. Si « Atipa » (éd. L’Harmattan), du Guyanais Alfred Papérou, premier roman en langue créole, élevé contre la toute puissance du Français, paraît en 1885, il faudra, en effet, attendre la verbe flamboyant d’un Aimé Césaire, et sa défense du concept de « négritude » dans son « Cahier d’un retour au pays natal » (éd. Présence africaine, 1939), pour qu’émerge la possibilité d’une littérature « antillaise ». A cette pensée d’émancipation du joug colonial, succèderont d’autres étapes : Edouard Glissant resserre ainsi l’identité sur l’« Antillanité » dans les années 1960 ; puis, en 1989, le trio martiniquais Jean Barnabé-Raphaël Confiant-Patrick Chamoiseau explosent les horizons avec « L’Eloge de la créolité » (éd. Gallimard), signe d’une appartenance caribéenne toujours en mouvement, toujours mélangée, toujours créole, issue d’infinis rhizomes.
 
Que doit-on alors retenir d’une littérature « antillaise » actuelle ? Qu’elle se situe dans cet entre-deux, ce mouvement passionnant qui oscille entre oralité et écriture, réel et merveilleux, créole et français… Qu’il s’agisse des Guadeloupéens Ernest Pépin, Maryse Condé ou Gisèle Pineau, du Martiniquais Joseph Zobel ou de l’Haïtien Lyonel Trouillot, tous font revivre leurs terres au travers de leurs magies, leurs histoires et leurs mémoires utilisant le jargon et les légendes, quand sourd la musicalité, les rites et les rythmes de mots qui dansent, et se transmettent. Olivier Macaux, conférencier littéraire, parle d’un « folklore de l’identité, d’une émergence des marges, d’un imaginaire exotique… », quand Marie-Christine Hazaël-Massieux, professeur de Lettres modernes et d’études créoles à l’université, parle d’une « reconstruction de la tradition et du patrimoine » par la littérature. Car c’est bien de cela dont il s’agit.
 
Si plusieurs de ces œuvres créoles, antillaises, d’abord estampillées sous l’étiquette réductrice de « littérature francophone », ont depuis longtemps rejoint le Panthéon de la grande « littérature française » (Prix Goncourt 1992 pour « Texaco » de Chamoiseau, Prix Médicis 2009 pour « L’Énigme du retour » de Laferrière…), elles utilisent avant tout la langue de « l’ancien dominant » pour ressusciter, par les mots écrits, les contes (voir la mort du conteur dans l’admirable « Solibo magnifique » (éd. Gallimard) de Chamoiseau, relevé par la plume de l’écrivain et les croyances… La renaissance, en bref, d’une mémoire collective, orale, véhiculée contre les hégémonies de tous bords : celle d’une identité qui circule à l’envi, se régénère et jamais ne se fige.  
 
 
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