
Ecrivain minimaliste, adoré ou détesté par la petite musique de ses phrases, Christian Gailly publie son treizième roman, Lily et Braine (ed. de Minuit). Le titre sonne comme un morceau de jazz ou un film qui finirait mal. On n’est pas loin de la réalité, sans trahir le joli voyage que propose le livre.
Braine est un homme abîmé qui revient d’une guerre dans un pays lointain. Il s’est battu dans une armée qui n’est pas celle de son pays, a été blessé, et revient chez lui dans une région située sans doute pas très loin de Chartres. Il y retrouve sa femme Lily, son fils et sa chienne, tous deux âgés de trois ans, curieusement inséparables.
Il reprend sa vie dans le garage de son beau-père, flottant comme dans un nuage mou, amnésique ou détaché, l’impression est étrange au lecteur. Jusqu’au jour où une femme, sorte de pin up blonde, working girl dont Braine a dépanné la voiture, lui propose de remonter son ancien groupe de jazz pour jouer dans la boîte de nuit qu’elle va ouvrir. Elle semble mieux le connaître que le lecteur ou même l’auteur du livre. Toujours flottant mais désormais d’un morceau à un autre et d’une femme à l’autre, Braine se détache peu à peu de sa vie de famille.
Ancien saxophoniste de jazz, Christian Gailly s’est imposé par son écriture particulière, à la fois furtive, poétique et délicate. Ses romans sont toujours et d’abord des atmosphères qui séduisent des metteurs en scène comme Jean Achache ou Alain Resnais, qui ont réalisé respectivement Un soir au club et Les Herbes folles (adapté de L’Incident). L’essentiel de Lily et Braine n’est peut être pas dans le roman.
Christian Gailly le suggère par touches, mais la profondeur de l’histoire, le mystère de ses personnages reste entièrement à recréer dans l’imaginaire du lecteur. Et c’est infiniment séduisant.
Karine Papillaud
Lily et Braine, Christian Gailly (ed. de Minuit), 2010