
Christine Claude a longtemps vécu au Maroc, un pays dont elle fait le théâtre de ce joli et poétique roman-conte. Illustré par Srï, "Les Golinouilles, de l'autre côté de la ville rouge", de minuscules personnages, vivent d'incroyables aventures… À l'instar de son recueil de nouvelles Les pieds de la femme boutonnière, ce roman est un voyage délicat et raffiné dans l'âme humaine, vue par les yeux d'enfants…très très petits, mais ô combien grands de sagesse.
Hymne au bonheur et au retour à d'authentiques valeurs, ce roman fera rêver les enfants, comme les adultes qui y décoderont un roman-message engagé.
Les Golinouilles sont de minuscules créatures d'un centimètre. Une petite taille qui leur permet de se cacher des humains-(Les Petits), et de les observer avec ébahissement devant leurs incompréhensibles pratiques : "sous d'autres latitudes, les Petits avaient délaissé la qualité au profit de la quantité."
La joyeuse triGolie Golpoils, fratrie composée de Yess, Glomina et Bzeff, nous entraîne dans la ville rouge. Les enfants Golinouilles vont par trois et rien ne les sépare jamais, sauf l'inattention de l'un qui peut le précipiter dans une aventure, seul… mais dont il saura se démouscailler, pour vite retrouver les siens. Ainsi, voyageant tour à tour cachée au fond d'un cartable ou coincée dans une brouette chargée de victuailles, la triGolie croise des Petits qu'elle observe et avec lesquels elle dialogue parfois, grâce à un goliphone, amplificateur vocal.
Omar le Juste, tenant des conférences pour les oiseaux, et Jamal le livreur sourd sillonnant la médina, offrent à l'espiègle fratrie de merveilleux moments dans cette généreuse ville rouge, si admirablement décrite. On y reconnaît Marrakech et sa joyeuse effervescence et pour qui connaît le Maroc, les descriptions évocatrices sont une puissante réminiscence.
Délices olfactifs, les énormes bouquets de persil, coriandre et autres plantes aromatiques offrent un verdoyant abri d'où les Golinouilles observent les femmes préparant les repas. Le repas occupe une place importante dans la vie des Petits et ces femmes parlant haut et fort ont la bonne humeur contagieuse.
Etonnement également devant la télévision, dont les rayonnements sont insupportables pour leurs yeux, et les sons si terribles pour leurs petites oreilles; sans parler de l'arrogance et de la malhonnêteté de certains Petits. En fait, pour les Golinouilles, ils sont une source d'émerveillement mais aussi d'épouvante.
Le regard de ces minuscules êtres offre une douce opposition entre la société de consommation et le temps d'avant, proposant un monde plein de bon sens, comme un rappel à la raison.
Roman poétique, il emporte également le lecteur dans un voyage lexical malicieux à la musicalité joyeuse, "Les petits deviennent fous, de mémoire de Golinouille, je n'ai jamais vu pareilles nouillasseries". On aimerait presque qu'ils existent !
Et pour que les lecteurs accèdent à ce monde magique, l'auteure a eu l'astucieuse idée d'ajouter un glossaire où se retrouvent "golinouilleries" et mots arabes.
Agathe Bozon
Les Goulinouilles (livre 1) - De l'autre côté de la ville rouge, Christine Claude, éd. de la rue nantaise, (2012)