
Née en 1971, Marina Stepnova vit à Moscou, ville qui l'a vue grandir. Diplômée de l'Institut littéraire de Gorki, elle a également suivi un troisième cycle à l'Institut de la littérature mondiale. Avec à son actif déjà de nombreuses nouvelles et une pièce jouée dans de nombreux théâtres en Russie, elle reçoit avec Les femmes de Lazare le Prix des librairies de Moscou ainsi que le Big Book Prize 2012, le plus prestigieux prix littéraire russe.
Le roman commence légèrement, au bord d'une plage où Lidotchka joue avec ses parents. Son insouciance résonne de son rire d'enfant heureuse jusqu'au moment où "le cri ne cessa de se rapprocher jusqu'à ce qu'il se stabilise à des hauteurs si inouïes que le panorama de la plage, comme s'il avait été dessiné sur un verre épais et translucide, se trouble aussitôt et se recouvrit entièrement de la toile d'araignée des craquelures de la terreur."
Lidotchka a cinq ans, sa mère vient de se noyer et son père est fou de douleur.
Dans les jours qui suivent, Galina Petrovna, la grand-mère adopte l'enfant, l'emmène et "lui fait franchir le seuil de sa propre vie." Une grand-mère dure, cruelle qui n'est autre que la femme de Lazare Iossifovitch Lindt, l'académicien, avec lequel elle eut un fils, le père de Lidotchka. Un fils qu'elle haït, tout comme elle haïssait son mari et haïra sa petite-fille.
Car Lazare l'épousa par dépit. Maroussia, celle qu'il aimait et dont il attendit toute sa vie un amour autre que filial n'était plus. Elle était la femme amoureuse et fidèle du professeur Tchaldonov que Lazare, le petit juif crasseux eut l'audace, un jour de novembre 1918 de questionner sur "la dynamique des systèmes non holonomes". Un échange qui se conclut par une collaboration et…une cohabitation dans l'immense appartement que le professeur occupait avec sa femme Maroussia. Il a dix-huit ans, elle en a quarante-neuf.
Les années passent, la seconde guerre mondiale éclate, un fils de diplomate revenu du front raconte avoir vu Hitler "c'est un gringalet, avec sa petite moustache suis le nez ! Je le flanquerais par terre avec seulement un couple le de mon gauche." Des paroles qui laissent penser que battre les nazis sera chose facile... Les savants de génie s'installent en Sibérie.
Une fresque familiale servie par une écriture tour à tour aussi délicate que les sentiments et aussi brutale que les évènements. Une traversée du siècle depuis les troubles révolutionnaires jusqu'à la fin de l'Union soviétique, vue par le prisme de la vie d'un mathématicien devenu ingénieur atomiste "Lindt passa la seconde moitié de juillet et tout le mois d'août 1949 dans une mission des plus passionnantes : il avait du travail par dessus la tête avec la création de la première bombe atomique soviétique."
Un grande souffle romanesque qui est aussi une réflexion sur ces haines familiales avec et contre lesquelles il faut se construire et grandir.
Agathe Bozon
photo@ ThankYou.ru