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Les animaux ont une âme : le dernier Dos Santos va totalement changer votre conception du monde

Entretien avec le romancier, qui passe l’écologie et la condition animale au crible de son dernier thriller philosophique, "Âmes animales"

Les animaux ont une âme : le dernier Dos Santos va totalement changer votre conception du monde

C’est un éditeur indépendant, Hervé Chopin qui a découvert José Rodrigues Dos Santos et qui publiait il y a maintenant dix ans, La Formule de Dieu (HC éditions).

L’accueil fut spectaculaire, l’auteur marquait de sa touche philosophico-scientifique le monde du thriller. Surtout, les romans de JR Dos Santos ont pour caractéristique de faire grincer des dents :  c’est ainsi que, par exemple, l’Eglise catholique a fait passer des tracts de mise en garde dans les lieux de culte au moment de la publication de L’Ultime secret du Christ, au Portugal. Sans toutefois opposer quelque argument que ce soit au contenu du livre, dûment relu.

 

Âmes animales est son dernier opus, qui plonge encore davantage dans la vie de son héros récurrent, Tomas Noronha dont l’épouse va jouer un rôle clef dans l’histoire, avec le style particulier de l’auteur pour qui le roman constitue une voie de recherche de la vérité. Cette fois-ci, c’est la condition animale et plus largement l’écologie qui font le lit de l’enquête. Un roman dont on ne sort pas indemne, tant il convoque la conscience du lecteur : nous sommes des bourreaux, l’abattage est une barbarie et l’élevage une hérésie tel que pratiqué. La démonstration est illustrée, étayée et documentée et ne provient pas d’un activiste ou d’une idéologie, mais d’un journaliste-romancier.

Dans son emploi du temps pourtant très chargé de journaliste télé, José Rodrigues Dos Santos a eu la gentillesse d’accorder un entretien à Lecteurs.com pour parler de ce nouveau roman sorti le 19 mai 2022.

 

 

« J’écris des romans philosophiques pour répondre aux grandes questions posées par les découvertes scientifiques »

 

- José, vous publiez une nouvelle aventure de Tomas Noronha, Âmes animales (HC éditions). La question de la condition animale en est le sujet, ce qui tranche avec vos thèmes habituels, tournés autour de la science, de l’histoire ou des religions. Comment en êtes-vous arrivé à aborder ce thème ? 

JRS : À vrai dire, Âmes animales touche encore à la science, notamment l’éthologie et toutes les récentes découvertes autour la cognition animale, et aussi aux effets catastrophiques de l’élevage du bétail sur la planète. Alors, c’est encore par la science, ce système de décodage du monde, que je suis arrivé à ce thème.  

 

- L’un de vos personnages défend la thèse d’une continuité entre êtres humains et animaux : qu’est ce qui définit l’humanité, au fond et la distingue du règne animal ? 

JRS : Finalement, rien d’essentiel. Charles Darwin disait que la différence entre les êtres humains et les autres animaux n’est pas de catégorie, mais de degré. Tout ce que nous sommes ou sommes capables de faire, les animaux sont et sont capables de faire eux aussi, mais en degrés différents. Par exemple, nous sommes capables de nous orienter et le pigeon aussi, sauf que le pigeon s’oriente en un degré beaucoup plus grand. Autre exemple, nous sommes capables de raisonnement arithmétique et le perroquet aussi, sauf que notre capacité arithmétique est d’un degré plus grand que celle du perroquet.

Exactement comme nous, les animaux ont conscience, ont des émotions, ont une intelligence, produisent des outils, parlent des langages avec syntaxe et grammaire, ont des accents et des dialectes, sont capables de comprendre la mort et de respecter le deuil, ont des notions d’esthétiques… ils sont capables de tout ce dont nous sommes capables, mais à des degrés différents. Âmes animales nous explique, par un polar, toutes les grandes découvertes scientifiques sur la cognition des animaux.     

 

- La condition animale amène-t-elle forcément à s’interroger à la question écologique ? 

JRS : Inévitablement. Âmes animales décrit ce qu’il y a des merveilleux chez les animaux, mais aussi ce qu’il y a de terrifiant dans la manière dont nous traitons les animaux. Les abattoirs, les laboratoires, l’élevage, la destruction de la nature en sont des exemples. Ce roman présente ce qu’il y a d’humain chez les bêtes et ce qu’il y a de bestial chez les humains.

 

- Vous avez l’habitude, quel que soit le sujet de « mettre les pieds dans le plat » et d’écrire des vérités qui ne font pas toujours plaisir à tout le monde. A quoi peut-on s’attendre dans ce livre et avec qui allez-vous vous fâcher ? 

JRS : Je touche au problème de l’élevage et son impact sur la planète. Parlons seulement du problème de l’eau douce, par exemple. Seulement 2,5% de l’eau sur la planète est douce. De toute cette eau douce, 0,4% est dans les fleuves, les lacs et les nuages ; 70% dans la neige, la glace et les glaciers ; et 30% dans les nappes souterraines. La grande majorité de l’eau qu’on utilise ne vient pas donc des fleuves, comme on le pense, mais des nappes phréatiques. Le problème c’est que ces nappes vont s’épuiser. Voyons une des plus grandes nappes du monde, celle d’Ogallala, en Californie. Nous pompons entre un et trois mètres d’eau par an de cette nappe. Et elle se remplit d’un centimètre par an. À ce rythme, bientôt elle va s’épuiser.  Et cela se passe avec beaucoup de nappes à travers le monde. Et pourquoi pompons-nous toute cette eau ? Essentiellement pour le bétail !

On estime que 70% de toute l’eau douce consommé dans le monde n’est pas destinée aux gens, mais à l’agriculture, et à l’élevage en particulier. On a découvert que produire un kilo de steak requiert 13 000 litres d’eau douce ! Tout cela, et beaucoup d’autres choses, sont expliqués dans Âmes animales. C’est un livre vraiment bouleversant.

 

- Quelles ont été vos pistes de recherche et votre documentation ? 

JRS : Les études scientifiques, notamment des découvertes d’éthologues sur la cognition animale et celles qui concernent l’impact de l’être humain sur la planète. Les bêtes ne sont pas les animaux. Ce sont nous.

 

- Qu’est-ce que l’écriture de ce livre a changé dans votre vie ou votre mode de vie ? 

JRS : J’ai presque arrêté de manger de la viande. Je suis devenu flexitarien, voire je ne mange de la viande qu’une fois toutes les deux semaines. Et moi qui n’étais pas du tout sensible aux animaux, je porte désormais un tout autre regard sur eux.

 

- Parlons un peu de Tomás, le héros récurrent de ces enquêtes. Pourquoi avoir fait de votre protagoniste un historien ? 

JRS : Tomás est né seulement pour Codex 632. Mais lorsque j’ai eu l’idée d’écrire La Formule de Dieu, je me suis rendu compte que j’avais besoin encore d’un académicien comme protagoniste. Alors il me fallait créer un autre héros. Mais pourquoi puisque j’avais déjà Tomás ? C’est ainsi qu’il est reparti dans cette nouvelle aventure… et les suivantes. Il est devenu mon Tintin, mon Indiana Jones.

 

- Dans Âmes animales, on entre de plain-pied dans la vie privée de Tomás, comme si vous souhaitiez affiner le profil de votre personnage. On fait aussi connaissance avec sa femme qui joue un rôle de premier plan. Est-ce à dire que vous réservez à cette dernière un rôle plus actif dans les enquêtes de Tomás ? 

JRS : Le coté personnel est toujours présent à chaque aventure, de Codex 632 à La Formule de Dieu ou Vaticanum, par exemple. Mais c’est vrai que j’ai décidé de rendre sa femme plus active. Dans Âmes animales elle est devenue aussi importante que Tomás. Elle est au cœur de l’intrigue, la clé qui amènera à la solution du polar.

 

- Il y a dans l’énigme d’Âmes animales la référence à la Rose-Croix, un ordre mystique. Comme si l’occulte et la spiritualité étaient des thèmes sous-jacents à chacune des grandes questions ou tragédies humaines ? 

JRS : L’occulte, l’ésotérisme et la spiritualité ne sont que des efforts des humains pour comprendre le monde et son sens. La science est l’outil le plus puissant, certes, mais elle a ses limites aussi. La science est une méthode pour comprendre le hardware du monde, mais pas son software. Le sens du monde est une question hors science. La science est incapable d’y répondre. C’est ici qu’on trouve le rôle de la philosophie et de la littérature.

Plus que des romans scientifiques, j’écris des romans philosophiques qui essayent de répondre aux grandes questions posées par les découvertes scientifiques.    

 

- Vous menez une vie de présentateur du journal télévisé de la première télévision portugaise, avec une vie de grand reporter et d’écrivain. Le terrain, la littérature du réel ne sont-ils pas des tentations pour vos inspirations d’écrivain ?

JRS : Absolument. La vraie littérature est celle qu’utilise la fiction pour comprendre et exprimer le réel. Ou, si on veut, la vraie littérature utilise le mensonge pour dire la vérité. 

 

- Vous publiez en France depuis 2012, mais vos premiers romans sont sortis depuis 2002 au Portugal. Le roman est-il toujours une source de joie pour vous ? Que vous apporte l’écriture ?  

JRS : Je ne comprends pas la littérature sinon en tant que joie. Il faut avoir la joie d’écrire pour que le lecteur ait la joie de lire. Écrire et lire doivent être des plaisirs, jamais des efforts. 

 

- Enfin, la France lira-t-elle bientôt toute votre production portugaise ?

JRS : Probablement pas. J’ai écrit des romans historiques sur des sujets qui ne présentent pas forcément d’intérêt pour le lecteur français. L’Ange blanc, par exemple, est un roman qui se passe pendant la guerre coloniale portugaise en Afrique. Il me semble fort probable que les lecteurs français ne sont pas intéressés sur le sujet, même si je trouve le roman très puissant. Mais… qui sait ?  

 

Propos recueillis par Karine Papillaud

 

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