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Le Saut de Tibère de Gilda Piersanti

Meurtre à Capri

Le Saut de Tibère de Gilda Piersanti

C’est avec une vraie délectation qu’on retrouve l’enquêtrice Mariella De Luca dans une nouvelle aventure, Le Saut de Tibère (ed Le Passage). Dans ce huitième tome des « Saisons meurtrières », la reine du polar à l’italienne, Gilda Piersanti, a décidé de ne ménager ni son personnage, ni ses lecteurs.

 

 

 

 

 

 

 

On l’appelle le Sagittaire parce qu’on retrouve une sorte de flèche brisée enfoncée dans le corps de ses victimes. Serial killer remarquablement organisé, il cueille ses victimes, toutes blondes et jeunes, un peu partout en Europe. La nouvelle cellule policière Europol finit par constater que ces meurtres commis en Ecosse, à Copenhague, à Amsterdam ou à Rome ont tous à voir avec un crime perpétré onze ans auparavant à Capri. Fraîche recrue de cette unité policière, la spécialiste des criminels en série Mariella se retrouve plongée au coeur d’une affaire pas tout à fait comme les autres. Car le Sagittaire est rapidement identifié comme étant le fils d’un chef mafieux, lui aussi mystérieusement disparu.

L’art de Gilda Piersanti est de dépasser le jeu du polar pour emmener son lecteur dans les rets subtils des relations humaines. Cette ancienne philosophe, traductrice de Balzac, Baudelaire ou Barbey d’Aurevilly, sait en peu de mots et avec une fluidité merveilleuse entraîner vers une métaphysique sans quitter l’histoire et sans que le lecteur ne commette le moindre effort. Le Saut de Tibère est certes une traque, mais il est aussi le théâtre des passions familiales, celles des relations père-fils et des relations frère-sœur, quand la haine les rejoint autour de la figure tutélaire de la mère. Le sanguinaire Sagittaire, alias Massimo, n’est-il finalement pas le produit de la totale amoralité paternelle, poussée à l’épure ? Grâce à un jeu de voix habilement alterné dans le livre, on entre dans la tête de ce jeune homme qui agit comme une bête sauvage, mais dont la cohérence laisse pantois.

Comprendre n’est pas pardonner. Massimo oblige le lecteur à entrer dans sa logique, où le meurtre n’est finalement qu’un épiphénomène de son fonctionnement. Aucune plainte, aucune joie vraie dans ce personnage sombre mais une logique et une forme de morale qui amènent à accepter l’inhumanité comme partie intégrante de l’humain. Troublant. Le Saut de Tibère se dévore, à travers des dialogues enlevés, une fluidité narrative qui n’oblitère pas la complexité de l’intrigue. Il se lit aussi bien dans le prolongement des « Saisons criminelles », avec le plaisir de découvrir de fines évolutions dans le personnage de Mariella, mais rien n’empêche de découvrir ses aventures dans le désordre de la série. Il reste que ce roman tient tout autant du polar que d’une tragédie classique et qu’on médite longuement après la fin du livre.

Le saut de Tibère, Gilda Piersanti, ed. Le Passage, (2013)

Karine Papillaud

A noter, la sortie en poche le 7 novembre du 6e tome, Roma Enigma (ed Pocket) et l’adaptation de Bleu Catacombes, lauréat du Prix SNCF du polar européen 2008, sur France 2 en janvier.


 

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