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"Le rituel des dunes", un road-movie sur la création romanesque

Un dépaysement assuré…

"Le rituel des dunes", un road-movie sur la création romanesque

Le rituel des dunes de Jean-Marie Blas de Roblès (Zulma), un des grands écrivains de l’exotisme et du dépaysement nous livre cette réédition de ce roman publié une première fois en 1989 aux éditions Seuil. A ne surtout pas rater !

 

Chantal Lafon et Sophie Gauthier, deux membres du Cercle livresque, nous font découvrir ce livre par leur chronique.

 

L’avis de Chantal Lafon

 

Un roman en trompe l'œil !


Deux personnages principaux : Roetgen et Beverly .


Fin des années 80, tous deux se rencontrent dans la petite communauté des expatriés, vivant loin de chez eux mais devant se lier pour que leur séjour soit plus bénéfique. Un milieu privilégié comparé à la vie quotidienne des chinois et cependant délétère, hétéroclite et haut en couleur.
Beverly a tout vécu et en ressort cassée, élevée jusqu'à 15 ans dans un milieu bourgeois-catho, elle se retrouve à la rue.

 
Très perturbée lorsqu'elle rencontre Roetgen qui a vingt ans de moins qu'elle, elle lui intime de lui lire des chapitres du roman qu'il écrit. Ainsi commence le rituel de la lecture, elle se livre entre inventions, mensonges, vérités et fantasmes, oui mais jusqu'où ira-t-elle ?
Il n'y a que dans ce rituel, censé l'apaiser et lui faire trouver le sommeil pour quelques heures, loin de ses fantômes, qu'elle apparaît vivante.

 
Le lecteur ne pourra pas dénouer le vrai du faux. Mais est-ce l'enjeu de ce roman ?


Jean-Marie Blas de Roblès nous entraîne dans un road-movie sur la création romanesque.
Le lecteur est enchaîné à plusieurs fictions littéraires qui n'ont ni début ni fin et cependant elles interagissent avec le réel de Roetgen et Beverly.
Cela précipitera-t-il la chute de Beverly ?
La fin restera suspendue...

 
Une belle écriture qui plonge ses lecteurs dans un univers où ils ne sont pas habitués à aller.

 

© Chantal Lafon

 

 

L’avis de Sophie Gauthier

 

Dépaysant, c'est le premier qualificatif qui me vient à l'esprit pour définir "Le Rituel des dunes". Pas seulement pour les lieux où se déroule le roman, mais surtout pour cette construction admirable qui enchevêtre des histoires, des personnages et des temporalités avec une si grande virtuosité qu'il m'a souvent semblé, au fil de la lecture, déambuler à travers plusieurs strates de fiction, non pas successives mais intimement imbriquées.


Sur la terrasse d'un bar de Macao, Roetgen relit un manuscrit commencé deux ans auparavant, lors de son arrivée à Tientsin. Cette lecture, la tombée de la nuit sur un paysage qui semble figé, l'alcool et la solitude favorisent le jaillissement des souvenirs et surtout celui de Beverly. Rencontrée à Tientsin, cette Américaine de 20 ans son aînée, fantasque jusqu'au délire, avait vécu plusieurs vies, entre sordide et sublime, qu'elle reconstruisait en récits épiques jusqu'à troubler le réel par la fiction. Roetgen n'était pas en reste qui lui racontait par intermittence le roman policier qu'il était, à l'époque, en train d'écrire. Roman policier lui-même nourri des situations vécues à Tientsin. Si bien que le doute s'installe : Beverly n'est-elle pas, elle-même, un personnage inventé par Roetgen ? "Peu importe si elle s'appelait réellement Beverly, Judith ou Artémise : elle n'existe que dans la mesure où Roetgen s'en souvient "(p. 19). Poussons l'interprétation plus loin : ne pourrait-elle pas être l'incarnation du lecteur que fantasme l'auteur en écrivant ? "J'aime bien quand tu racontes tes histoires" dit-elle à Roetgen (p.59). Quel écrivain n'a pas rêvé que ses lecteurs lui fassent le même compliment ?


Des variantes de la figure de Shéhérazade infiltrent ainsi le roman et instaurent un passionnant jeu de piste : lorsque Roetgen occupe le rôle de la princesse des "Mille et une nuits", il raconte son roman à Beverly pour l'apaiser et l'empêcher, en quelque sorte, de sombrer dans la folie, mais le charme opère dans l'autre sens lorsque c'est Beverly qui met sa vie en récit. Quoi qu'il en soit, la fiction, le roman, la littérature, pourraient agir comme des garde-fous... sauf que la trop romanesque Beverly s'effondre au moment où réel et fiction se confondent.


Il serait, cependant, très réducteur de limiter le roman de Jean-Marie Blas de Roblès à cette seule lecture ! De manière ludique et suprêmement intelligente, l'écrivain nous emmène dans une histoire labyrinthique en nous donnant quelques fils d'Ariane, quelques indices dont les agencements différents créent de nouveaux sens. Le roman fonctionne comme un palimpseste, (comme un rituel des dunes littéraire, finalement) et le fait qu'il ait été entièrement remanié après la première publication en 1989 conforte cette hypothèse. Remarquablement écrit et construit, ce roman proliférant m'a subjuguée, à tel point que j'ai envie de jouer à le décortiquer pour mieux y réfléchir encore. A tel point que je pourrais en parler pendant des heures sans en épuiser les richesses. Epoustouflée, je suis !

 

© Sophie Gauthier

 

 

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