
Mine de rien, il fait son chemin, Christophe Carpentier. Après un remarqué Vie et mort de la cellule Trudaine en 2008, cet artiste plasticien récidive en ce début d’année 2010 avec Le Parti de la jeunesse, un roman drôle et mature sur les impostures et les idéologies de notre époque.
Il a 19 ans et a exactement tout ce dont un jeune homme peut rêver pour réussir sa vie : brillant, beau gosse, parisien des beaux quartiers, pour qui tout est facile. Un héros droit sorti du film LOL, gentiment intéressé par sa petite personne, mâtiné par le cynisme de l’époque. Il a en outre un père-copain, pur produit de la psychanalyse, dans une version du baby-boomer qui a réussi selon les codes des années 80, mais a su éviter les caricatures de son époque.
Celui-ci, inquiet de ne pas sentir vibrer chez son fils une conscience morale, un altruisme ou quelque idéal, l’encourage à se tourner vers les autres, à descendre dans la rue pour faire son expérience sociale et prendre réellement en main les rênes de son avenir.
Et voilà notre narrateur parti dans « une expérimentation du réel » aussi loufoque que mordante. Tour à tour, il passe au crible de sa sagacité les comportements et les causes de l’époque, de l’écologie à la lutte sociale, débusque les contradictions et les impostures, en vain : « C’était ça la pensée unique du moment, remplacer le je parle nous, il paraît même que c’était bon pour la santé. A d’autres ! ».
Christophe Carpentier invente un personnage à la croisée de Candide et des Lettres persanes : même sens de la satire, même œil goguenard, même dent acérée. On se régale à relire l’époque et ses vacuités à l’aune d’un regard qui se veut celui d’un jeune né en 1990, qui n’a pas connu John Lennon ni la chute du mur de Berlin, et on frémit devant la pensée froide et implacablement juste de cet adulte des années 2010.
Karine Papillaud
Le Parti de la jeunesse, Christophe Carpentier (Denoël), 2010