
Née en 1978 à Belfast en Irlande du Nord, Carolyn Jess-Cooke écrit depuis l'âge de sept ans ! Nouvelles illustrées, romans, poésies, ses premiers textes sont publiés dans la presse et… sur différents médias non imprimés, dont un poème sur un ruban d'acier de 700 mètres de long exposé au Roseberry Park Medical Facility à Middlesbrough - actuellement la plus grande œuvre d'art textuel publique au Royaume-Uni.
Son premier roman Journal d'un ange gardien, publié en 2012 rencontre un immense succès et est traduit en plus de vingt langues. Elle revient avec Le garçon qui voyait des démons… un roman qui interroge autant qu'il captive.
Alex, dix ans, vit seul avec sa mère Cindy qui, après une quatrième tentative de suicide, est hospitalisée. Il aime les tartines de pain grillé aux oignons, dessine, écrit sur son journal et prépare une pièce de théâtre. Il a un unique ami : Rueen, un démon aux multiples visages, qu'il est le seul à voir et entendre.
Anya Molokova, psychiatre appelée par l'unité mentale réservée aux enfants et aux adolescents de Belfast, tente de comprendre et aider Alex. Une compréhension qui lui tient d'autant plus à cœur qu'elle entre en résonance avec sa propre histoire. Celle d'une mère dont la fille a été emportée par la schizophrénie.
Mais ses prescriptions thérapeutiques s'opposent aux principes de Michael Jones, le référent psychiatrique qui suit l'enfant depuis sept ans : "Écoutez, il faut que vous me promettiez de ne pas séparer cette famille. Croyez-moi, chacun a besoin de l'autre et pas d'une procédure bureaucratique, tatillonne et conforme aux règles qui enverrait ce garçon en famille d'accueil."
Anya mène alors une enquête minutieuse sur la vie passée et actuelle d'Alex, rencontrant tout à tour son professeur de théâtre, une de ses anciennes institutrices et sa tante Beverly, venue vivre avec lui pendant que sa mère est hospitalisée.
Une démarche qui scrute bien au-delà de la pathologie du moment. Ce petit patient du XXIe siècle, porte-t-il les séquelles de la guerre civile, qui pendant une trentaine d'années au siècle précédent, fit de Belfast le théâtre de sanglants attentats, faisant naître des psychoses qui se transmettent, construisant et déconstruisant des vérités protéiformes ?
Dans ce roman choral au suspens fort, richement documenté et subtilement construit, le lecteur entre dans chacune des vies des personnages et s'achemine subrepticement dans une nouvelle réalité, à l'instar d'Anya qui finit par s'interroger : Alex est-il réellement victime d'hallucinations ?
Agathe Bozon
Le garçon qui voyait des démons, Carolyn Jess-Cooke, JC Lattès, (2013)