
Il va falloir se jeter très vite sur les livres de Laura Kasischke pour prétendre avoir fait partie de ceux qui l’ont découvert. Car la renommée est en train de gagner cette auteure américaine à la vitesse d’une marée du Mont Saint-Michel.
Laura Kasischke est aujourd’hui à la littérature ce que Jim Harrison ou Paul Auster ont été, avant que, d’un coup, les projecteurs se braquent sur eux et fassent de ces deux grands écrivains des écrivains célèbres.
Repérés par des éditeurs français affûtés et des libraires dénicheurs, suivis par un public de gourmets littéraires, ces écrivains américains ont ensuite été découverts à travers le monde pour connaître un succès d’audience mérité. Sept romans, dont La vie devant ses yeux ou La Couronne verte, lui ont permis d’établir en France une réputation solide et un cercle de lecteurs fidèles. Mais rien à voir avec la force et le rayonnement encore promis à ce très grand écrivain contemporain qui, curieusement, est plus connue pour son œuvre de poétesse aux Etats Unis. « Son agent, qui est le même que Toni Morrison que nous publions, nous a un jour proposé un texte de cet auteur que personne ne connaissait encore", se souvient Dominique Bourgois, directrice des éditions Bourgois. C’était Suspicious River que nous avons publié en 1997, et nous lui sommes restés fidèles ».
Née en 1961 et restée fille unique, elle est la première génération de sa famille à avoir vu le jour aux Etats-Unis, et partage ses origines entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Discrète sur sa vie de petite fille, elle perd sa mère dont elle était très proche lorsqu’elle est encore étudiante. Deux mariages et un fils plus tard, elle est aujourd’hui professeur de creative writing à l’université du Michigan. Une origine littéraire qui tranche des habituels écrivains new yorkais et qui la distingue aussi du « Nature Writing », incarné par des écrivains comme Pete Fromm ou David Vann. Au fond, Laura Kasischke est une petite provinciale de 50 ans qui a le génie de l’écriture.
Inspiré par Woolf, Borges, Wharton ou Joyce à ses débuts d’écrivain, son univers tourne autour de l’adolescence, de la vie étudiante et de la middle class qui se pousse du col. Son acuité littéraire, son goût pour les descriptions, et ses images inédites composent « l’atmosphère Kasischke », dans une langue qu’il faut entendre sonner pour en noter la singularité. Elle se démarque de l’écriture lisse des bons raconteurs d’histoire, comme de la hargne sourde des écrivains engagés : tout son charme est dans la magie féroce qui lie les personnages à l’histoire, dans un mélange où la mélancolie prélude au roman noir, et la fait comparer à Joyce Carol Oates ou John Cheever.
La presse française s’est emparée de cet écrivain séduisant en un impressionnant plébiscite pour son nouveau roman, Les Revenants, entré en quelques jours dans la liste des meilleures ventes. « L’emballement avait commencé avec son précédent, En un monde parfait en 2009 », précise Dominique Bourgois. Et ce n’est que le début, les paris sont déjà pris.
Karine Papillaud