
Née en 1969, Hélène Frappat est critique de cinéma et écrivain.
Après trois romans, dont Par effraction qui reçoit une mention spéciale du jury du prix Wepler en 2009, elle livre pour cette rentrée littéraire 2013 son quatrième titre : Lady Hunt, qui transporte le lecteurs aux frontières de la folie.
Lady Hunt est un roman qui se mérite. Destructuré, comme son héroïne, il emmène le lecteur à la lisière du normal, sur cette ligne fine et instable qui sépare la vraie vie de l'autre. De celle phantasmée, imaginée, rêvée…crainte aussi.
Tout commence quand Laura, qui travaille dans une agence immobilière, fait visiter un luxueux appartement de l'avenue des Ternes à un homme et une femme, accompagnés de leur jeune fils Arthur qui disparaît… puis réapparaît soudainement, alors que ses parents sont au bord du désespoir.. Finalement, la visite se termine "La famille prend congé dans un silence plein de gêne. Trois silhouettes remontent l'avenue en direction de la station de métro. L'appartement ne se vendra pas. Trop triste, trop inquiétant – trop dangereux."
Laura, venue à l'immobilier par hasard, tout comme elle est devenue la maîtresse de son Patron "maladroitement, fatalement" est obsédée par une maison qui hante ses rêves et dont l'image la poursuit jusque dans son deux-pièces, à Vanves, où elle vit avec son chat.
Une obsession, qui redessine sur l'écran de sa mémoire les images de son passé, de son père malade, atteint d'une Chorée de Huntington, maladie héréditaire qui provoque d'importants troubles neurologiques et dont elle redoute d'être atteinte.
Elle se souvient de son enfance et de sa mère, de cette famille où surnaturel, rituels, sortilèges, miroirs voilés et pierres magiques nourrissaient le quotidien, même de ceux qui voulaient y échapper, ainsi que sa mère, qui a choisi de devenir institutrice, le lui explique : "en me convertissant à ma mission rationnelle et laïque, j'ai fermé la porte sur le monde des ombres. J'ai cru trop vite que je l'abandonnais derrière moi."
Parfois difficile à suivre, l'histoire exerce une fascination sur le lecteur, avec des questions dont peu à peu les réponses apparaissent, apaisant peu à peu Laura, longtemps obsédée par le cauchemar de la maladie.
L'écriture réserve de purs moments de poésie, qui participent de la dimension onirique de cette histoire dont on essaye sans cesse d'attraper les lambeaux de brume car "du ciel coulaient les larmes absentes sur les joues de notre famille".
Agathe Bozon
Lady Hunt, Hélène Frappat, Actes Sud, (2013)
Se laisse lire avec plaisir, des instants de pure poésie et un sujet original qui ouvre les portes à l'imagination et nous entraîne très loin dans nos propres souvenirs.