Née en 1964, Emmanuelle Guattari a grandi à la clinique psychiatrique de la Borde (Cour-Cheverny, Loir-et-Cher) où ses parents travaillaient. "La petite Borde", bien qu'annoncé "roman" par l'éditeur se révèle une dentelle de souvenirs qui surgissent librement.
Le père d'Emmanuelle Guattari rejoint le projet de psychothérapie institutionnelle de la clinique de La Borde, fondée en 1953. Un projet qui rompt avec les schémas thérapeutiques de l'époque appliqués aux malades mentaux.
À La Borde, où le droit à la folie est respecté, il est proposé aux patients, appelés "pensionnaires" une vraie vie, loin des pratiques carcérales habituelles propres à la psychiatrie d'après-guerre.
C'est alors que se développe une cohabitation entre l'équipe thérapeutique, installée sur place et les pensionnaires. La Borde devient un lieu de vie collectif où chacun va et vit en toute liberté.
Emmanuelle Guattari, fait revivre le regard d'enfant qu'elle portait sur La Borde, utopie généreuse et sincère, quand elle y vivait en famille, mais aussi avec les pensionnaires et les enfants des autres soignants. Un groupe d'enfants libres, joueurs, facétieux.
Ce récit de 140 pages s'articule en 22 chapitres courts, certains même très courts, d'à peine plus d'une page, qui forment comme un orgue à parfum, donc chaque note fait surgir une ambiance, un tableau qui raconte une bribe de cette cohabitation extraordinaire. Des anecdotes savoureuses magnifiées par le kaléidoscope de l'enfance, époque où la vraie farce côtoie les impossibles possibles : "Ma mère a disparu de ma vie comme une bulle de savon qui éclate. (…) Je demande au Gouvernement des morts à passer un petit instant avec ma mère. Je ne demande pas grand-chose, juste un quart d'heure. (…) Je suis sûre qu'elle viendra".
Rire, sourire, mélancolie, rêves d'enfants… La petite Borde déroule simplement le fil d'un joyeux désordre mémoriel où fous, soignants et enfants vivent en harmonie.
Un premier roman rafraîchissant, qui peut sembler décousu, saut si l'on accepte de redevenir enfant pour voir l'invisible… et croiser la fée bonheur.
Agathe Bozon